Traversée de papiers à la crèche

Deux danseurs, une chorégraphe et une plasticienne ont élu résidence en Normandie. Un lien s’est construit au fil des jours avec les familles et les équipes de deux structures d’accueil.

« Inventer des conversations dansées avec les enfants… Permettre aux professionnels qui les entourent de vivre une expérience artistique… Construire un temps de restitution pour les familles en complicité avec une artiste sculpteure… Une résidence est une aventure très singulière aux objectifs croisés » nous confie Véronique His, chorégraphe et directrice de la compagnie La Libentère. Répondant à la demande de la Communauté d’Agglomération Mont Saint-Michel Normandie, la compagnie s’est installée en résidence en avril à la crèche Com’3 pommes de Saint-James et à la crèche Graine de Soleil d’Avranches.  

UNE DANSE HABITÉE

La compagnie propose une immersion dans la danse et le papier auprès des tout-petits et des adultes qui les accompagnent. Les danseurs se glissent pendant une semaine dans le quotidien des lieux d’accueil et soulignent l’intensité des échanges avec les professionnels, les enfants et les familles : « touchés par la relation qui se crée, surprise de la danse du  bonjour à l’arrivée des enfants et leurs parents dans la crèche , il s’agit d’habiter le lieu petit à petit, danser sans les mots, passer outre les a priori, traverser les ateliers avec un esprit d’enfance… ».

Jaime Flor, danseur, souligne : « Ce qui me touche dans la temporalité d’une résidence, c’est la possibilité de la rencontre, la présence artistique constante, cette bouffée de vie pendant les ateliers toujours imprévisibles dont les enfants modifient le chemin. L’artiste descend du plateau pour évoluer au gré des propositions ».

Marion Rhéty, danseuse, insiste « sur la relation, toute en délicatesse, d’une rencontre vibrante, d’une danse très habitée ». Catherine Pépin, directrice de la crèche de Saint-James, partage la « sensation de sortir du quotidien et l’apprivoisement d’une danse qui pouvait sembler abstraite » ! 

LE DIALOGUE AVEC LES ARTISTES

Les équipes ont été très réceptives à la proposition et ont mesuré l’opportunité de « faire revenir un peu de culture dans les lieux d’accueil ». Avec des équipes très en demande et prêtes à « sortir de leur quotidien », la résidence a permis de braver l’inconnu des contenus, de vaincre des appréhensions pour aborder « des propositions dont nous pouvions nous emparer nous aussi. On nous a donné à vivre une expérience sensible et nous avons découvert une posture nouvelle qui va nourrir notre quotidien auprès des enfants ». Les familles, tout d’abord quelque peu surprises, ont évolué au gré des temps qui leur étaient réservés quotidiennement, nouant progressivement un dialogue avec les artistes, disponibles pour eux chaque fin de journée. La qualité relationnelle transparaît dans tous les propos. « Nous avons expérimenté de nouvelles approches et nous pouvons évoluer dans nos propositions et nos méthodes » souligne Lucie Bailleul, auxiliaire de puériculture. Nul doute que ce travail sur la représentation de la danse aura des suites. 

Accompagnés pas à pas par Maryline Poux et Émilie Capelle, de la Communauté d’Agglomération Mont Saint-Michel – Normandie, tous les protagonistes de l’aventure mesurent l’ouverture que peut susciter un tel projet. Nadine Avoine souhaite que toute cette expérience puisse « continuer de se vivre dans les sections ».

TEMPS FORT AVEC LES FAMILLES

L’espace de l’ancienne chapelle, Centre culturel Saint-Benoît à Saint-James est transfiguré par l’installation réalisée par Nicole Fellous, plasticienne sculpteure. De grandes feuilles blanches sur les murs de pierre : un oiseau, un nuage, au sol une rivière de papier courant le long de la nef conduit à une sorte de grotte qui n’est pas sans rappeler les demeures italiennes et leurs jardins fantastiques. Les parents se placent sur les rives de la rivière de papier, haie d’honneur symbolique faite aux danseurs qui se déploient dans le lieu, en proximité. L’alliance de la pierre et de son « habillage » éphémère est magique. 

« L’artiste peut sembler être quelqu’un de lointain » avait remarqué une professionnelle… Cette fois, danseurs, chorégraphe et plasticienne sont en alliance avec leur public. Des parents, bébés sur les genoux, vivent avec les artistes un moment en apesanteur… 

Fin de la représentation, on rit, on échange, des enfants repartent avec des bribes de papier. Une forme d’émerveillement bienheureux flotte dans la chapelle…

• HK