Premiers pas au musée

 Revisiter la médiation culturelle dans un lieu de patrimoine.

Des tapisseries foisonnantes peuplées d’animaux et de végétations colorées, voilà ce qui a séduit Camille Monmège-Geneste, l’une des fondatrices de l’association Le Labo des cultures lorsqu’elle a visité le musée Dom Robert de l’Abbaye-école de Sorèze, en pays Laurageais. L’une des expériences de médiation culturelle à destination des tout-petits que développe le collectif est née de cette rencontre avec les œuvres : Polisson ! Mes premiers pas au musée dont Émilie Gorostis a écrit la musique. Créé il y a cinq par une équipe de chercheurs, Le Labo des cultures repense en collectif une autre façon de pratiquer la médiation culturelle, « en créant des liens sur mesure avec le territoire, en travaillant la transversalité des arts pour se mettre réellement au service des populations et leur permettre d’aller à la rencontre de l’art et de la culture » explique Camille Monmège-Geneste.

UN PROJET TISSÉ SUR MESURE 

Le labo s’intéresse tout particulièrement à la petite enfance, convaincu des enjeux primordiaux que représente sa rencontre avec l’art. À l’initiative du projet Polisson ! Mes premiers pas au musée, se trouve Jessica Cendoya, chercheuse en muséologie et toute jeune maman qui a constaté le manque d’outils pédagogiques et de visites destinés aux plus jeunes enfants à Bordeaux, où se trouve la première antenne du Labo des cultures. Elle imagine donc pour son enfant un livret avec des comptines sur les œuvres d’art du musée. L’envie de prolonger et de développer cette idée naît avec la découverte du musée Dom Robert. Ce musée de la tapisserie du XX^e siècle ne s’était pas encore intéressé à ce public potentiel que sont les tout-petits et leurs familles. « L’élaboration du projet est une co-construction de bout en bout avec les publics et le musée ce qui a pris plus d’un an » précise Camille Monmège-Geneste. 

LE CHEMINEMENT D’UNE CRÉATION 

Tout commence avec les réseaux locaux de la petite enfance, questionnés sur leurs besoins, leurs envies, leurs réticences. Lors de visites semi-libres, les enfants désignent les œuvres qui retiennent leur attention, parfois au grand étonnement des adultes. Des ateliers d’arts plastiques, de musique sont proposés avec les artistes associés au projet : la plasticienne Émilie Fenouillat, la musicienne et compositrice Émilie Gorostis, association Mademoiselle Linotte, qui intervient déjà dans les crèches du Tarn. Pour cette musicienne dont les grands-parents sont natifs d’un village proche du musée, la découverte a été un coup de foudre. Pour illustrer ces scènes fourmillant d’herbes sauvages, d’animaux de la basse-cour ou de chevaux, elle a d’abord puisé dans son répertoire de comptines partagées lors d’ateliers avec une crèche, une école maternelle et une MJC de la région. Un stage avec Enfance et Musique où elle confronte ses premières idées de création avec des professionnels enrichit sa réflexion et la mobilise pour la suite. Munie d’un petit carnet qui ne la quittera pas de l’année, nourrie des commentaires des enfants tout au long des ateliers et des observations des chercheurs du Labo des cultures, « la création a cheminé, les idées sont venues au fur et à mesure » explique-t-elle. « J’ai passé l’été à écrire des comptines sur ces tapisseries », confie-t-elle, une composition devenue une série de quatre concerts-déambulations au musée Dom Robert où les enfants étaient reliés à la musique et aux œuvres par un fil de laine ! Jolie métaphore de la tapisserie ! De ces rencontres créatives, naît également un livre, Polisson ! Mes premiers pas au musée qui sert de « prescripteur de visite ». Cet objet de médiation peut circuler dans les médiathèques, les écoles les familles et sert de lien avec le musée et ses œuvres. L’album, dont les riches illustrations stylisées renvoient aux tapisseries, contient les paroles des comptines et les gestes qui y sont associés, ainsi que des QR codes ou des liens permettant d’entendre les chansons, tendrement tissées autour des œuvres…

• Dominique Boutel