Pains du monde

Depuis cinq ans, l’équipe de la halte-garderie Les Vignes Blanches à Sarcelles mène un projet interculturel visant à mieux faire connaître la structure par les familles comme lieu de vie et non comme prestataire de services. 

La halte-garderie municipale Les Vignes Blanches est l’une des six structures collectives gérées par le CCAS de Sarcelles dans le Val-d’Oise. Elle reçoit en moyenne 18 enfants, de trois mois à quatre ans, en accueil régulier ou occasionnel. Dans le quartier Lochères, la cohabitation des 40 000 résidents n’est pas simple. Symbole de mixité sociale dans les années 60, le quartier s’est peu à peu transformé en une juxtaposition de ghettos ethniques. Pour déjouer des relations complexes entre les familles, liées au contexte social difficile et au manque de places d’accueil dans la structure, Claudine Duvignau, responsable du lieu, a élaboré un projet qui inclut interventions artistiques et échanges culturels.

INSTALLER DES RELATIONS DE PARTAGE

« Je souhaitais trouver une solution pour réunir toutes les cultures accueillies à la halte-garderie de Sarcelles, atténuer les rivalités entre familles en raison du manque de place en accueil et les impliquer dans la vie du lieu » confie Claudine Duvignau. « Regarder l’enfant autrement, prendre le temps, cultiver la patience et l’observation sont autant de facteurs qui ont modifié la perception de la structure par les familles. Elle n’est plus considérée comme un ”parking pour bébés” ! Nous avons souhaité leur faire découvrir les activités et leur permettre de comprendre l’investissement de la mairie qui œuvre pour un accueil de qualité. »

L’équipe a entrepris une démarche d’éveil artistique et culturel qui passe par le conte, les chansons (un livret chansons est remis aux familles). Chaque semaine une musicienne intervient, la pratique du conte est un rituel quotidien, les parents ont ainsi pris l’habitude de ne pas venir chercher leur enfant avant la fin du moment consacré aux histoires… Une activité de jardinage structure le fil du temps. Depuis cinq ans le projet Pains du monde modifie les relations de partage entre les familles.

UN TOUR DU MONDE DES CULTURES

Le pain est un thème qui pouvait réunir des parents aux parcours si disparates. Catherine Mauffroy, coordinatrice petite enfance de la ville de Sarcelles a été très attentive à la démarche. Dans ce projet inscrit dans la durée, les enfants sèment les graines, surveillent la croissance des pousses. À maturation, on moud les graines, on obtient de la farine, on fait du pain. Les véritables compagnons (littéralement « celui avec qui l’on partage le pain ») sont les familles invitées à présenter « leur » pain à la halte garderie lors d’une après-midi festive. La bibliothécaire apporte des livres sur le pain, Caroline Melano, intervenante de la ville, propose un moment de spectacle pour tous avec son castelet et ses histoires. Vient le moment du partage : une trentaine de mamans (et quelques papas) présentent un pain de leur fabrication, en confient la recette et l’usage. C’est d’abord un tourbillon visuel de miches, couronnes, boules et autres flûtes ou lingots. Un tour du monde des cultures alimentaires nous emmène entre autres en Côte d’Ivoire, aux Antilles, en Turquie, aux Comores, au Congo, dans le Sud Tunisien ou encore au Portugal… C’est alors un régal de curiosité quand chaque parent explique la recette et la tradition perpétuée au cœur du Val d’Oise. La grande salle bruisse de rires et de surprises, les enfants attendent tranquillement de pouvoir manger des délices qui rivalisent avec la saveur de gâteaux. Ce temps partagé participe bien de l’invention collective d’un temps de vie familiale et sociale, apaisé. 

• HK