L’Oasis des Familles

En Seine-Saint-Denis, des assistantes parentales se retrouvent régulièrement dans un lieu convivial qui gomme l’isolement et crée le partage.

Dans le bas Montreuil, les passants s’arrêtent rue Voltaire, devant de grandes baies vitrées. Derrière les vitres sans voile, on aperçoit des adultes et des bébés souriants, installés dans un espace coloré. Bintou, Fatimata, Saida poussent la porte, précédées d’une poussette double. L’espace est aménagé pour que chacun se sente « comme à la maison ». À l’entrée, porte-manteaux et emplacement pour ranger les poussettes permettent aux adultes de prendre le temps d’arriver. Après avoir installé les bébés dans l’espace conçu pour les recevoir, les femmes sont accueillies autour d’un thé ou d’un café. Dans cet environnement chaleureux, l’ambiance est d’une douceur étonnante, deux bébés allongés au sol vocalisent, s’observent, se rapprochent, se touchent… Ébauche d’un premier lien social. Les adultes échangent autour du « prendre soin » des enfants, partagent leurs questionnements professionnels, s’entraident, se soutiennent. 

VAINCRE L’ISOLEMENT

Pendant que Margareth leur offre son écoute, Sylvie installe autour d’une petite table ustensiles et ingrédients pour son atelier « cuisine ». Les enfants plus grands s’approchent à leur rythme, mélangent, pétrissent, étalent, découpent, goûtent… Les adultes les accompagnent de leurs propres réalisations. Alors que le four commence à dégager une délicieuse odeur de boulangerie, une maman entre. Attirée par un tableau accroché au mur, elle s’installe devant et allaite paisiblement son bébé. Quand il s’est endormi dans ses bras, elle rejoint le groupe et partage un temps convivial avec l’auxiliaire qui prend soin de son enfant lorsqu’elle va partir. 

Ces assistantes parentales s’occupent des enfants au domicile des familles. Comme tant d’autres municipalités, Montreuil ne peut répondre à la demande croissante de places en crèche ou d’accueil chez une assistante maternelle. Ce manque a généré un essor de la demande de garde à domicile. Indépendantes ou rattachées à des associations spécifiques qui les forment, ces professionnelles sont très investies auprès des enfants. Dans l’exercice d’un métier bien solitaire, le besoin de rencontre avec des paires se fait vite sentir. Elles trouvent ici un lieu d’échange, un espace où elles sont reconnues dans leur identité professionnelle et personnelle. 

FAMILLES EN LISTE D’ATTENTE

Margareth Paulo, éducatrice de jeunes enfants et psychothérapeute, est responsable du projet. Isabelle Gauthier, présidente de l’association et Sylvie Gaudenzi, animatrice, se sont engagées bénévolement à ses côtés pour que ce lieu innovant puisse ouvrir ses portes en septembre 2018. S’appuyant sur le partage culturel familial et une large palette de propositions artistiques, l’association accueille, cinq demi-journées par semaine, les assistantes parentales accompagnées des enfants dont elles ont la garde. Une fois par mois, un week-end est proposé aux familles : expositions, concerts, temps de chants partagés, siestes musicales, ateliers philo-art parents-enfants, pour transmettre le plaisir de s’exprimer, partager le goût du jeu, découvrir la culture de chacun, faire ensemble. L’objectif de l’association est de proposer à chaque professionnelle un accueil hebdomadaire afin d’assurer une continuité et de construire un lien de confiance entre adultes. Pour les enfants, c’est l’occasion de tendre une passerelle entre la famille et l’école. Ce dispositif a rencontré un réel succès : aujourd’hui 41 familles sont inscrites et la liste d’attente s’allonge. 

L’association œuvre désormais à inscrire son projet dans le dispositif des RAP (Relais Assistantes Parentales) et travaille à la mise en œuvre de partenariats avec le Département, la CAF et la municipalité. Après cet engagement citoyen pour faire exister L’Oasis des Familles, il faut espérer que les responsables publics de l’accueil de la petite enfance apporteront un soutien financier indispensable à la pérennisation du projet.

• Geneviève Schneider