Les Bricoleuses

L’envie de partir de la réalité des lieux et des participants inspire à cette compagnie des formes de jeu où la culture s’invente et se partage, dans l’esprit d’une libre surprise.

Petit monde d’invention et de rêveries collectives, la compagnie Les Bricoleuses fabrique du sur mesure, du cousu main et inscrit ses actions dans l’espace public. Les médiathèques, les parcs, les crèches, les écoles ou les hôpitaux, lieux de passage ou lieux non dédiés sont les terrains de prédilection des artistes de la compagnie, à la recherche de formes adaptées aux lieux et aux publics. On ne saurait formellement qualifier leurs créations : installations/performances, spectacles, ateliers ou impromptus, car il y a un peu de chaque dans leurs propositions majoritairement conçues lors de résidences, « pour nous adapter aux réalités des lieux et des publics ». L’équipe pluridisciplinaire « et à géométrie variable » composée de dix artistes, intervient et conçoit les projets, dans une souplesse du propos, dictée par les conditions de réalisation qui deviennent source de création. 

OFFRIR DES ESPACES DE JEU

Depuis 2019, la compagnie et l’association Les Bricoleuses développent pas à pas leurs propositions. « Tout cela s’est créé à partir de demandes de lieux d’accueil » souligne Aude Boucon qui chemine depuis vingt ans à la croisée du champ artistique et de celui de la petite enfance. De son passé de danseuse elle a gardé le plaisir du mouvement, de son expérience de biblio-ludothécaire est née l’envie de fabriquer des espaces de jeu et de lecture sur mesure. Elle porte le projet de la compagnie avec d’autres artistes venus du clown, du cirque, de la musique, de la marionnette… « Je suis une actante et une accueillante… J’aime provoquer le croisement des disciplines et des formats. Un impromptu c’est, à 7 heures du matin, accueillir les familles à l’entrée de la crèche avec un poème. La rencontre avec le propos artistique est primordiale… Dans les installations, j’aime la liberté du public d’en être ou pas ! Nous formulons une invitation que le tout-petit, le professionnel ou la famille peut cautionner. Il s’y inscrit corporellement, explore, prend le temps, revient, repart… Je souhaite toujours construire une proposition qui ne soit pas imposée au public ».

Il est difficile de retracer étape par étape le déroulement du projet Petits mondes lumineux tant les propositions qu’il recèle sont nombreuses et variées. Six mois de résidence au sein de trois structures d’accueil du tout-petit ont permis de réaliser, 36 ateliers, 6 installations/performance, 2 ateliers parents-enfants, 3 inaugurations d’expositions idéales, (dispositif inventé par Hervé Tullet¹) et 2 demi-journées entre professionnels. Si les chiffres démontrent l’importance du public concerné, il s’agit surtout de souligner l’amplitude de la palette des formes proposées : un atelier laboratoire d’expérimentation autour de l’ombre et de la lumière, un atelier paysages sonores, un autre pour travailler l’équilibre, des lectures… La rencontre avec des artistes différents, la multiplicité des formats a laissé à chacun la liberté de trouver sa place. 

DES PETITS MONDES À INVENTER

Petits mondes sensibles, installation pour 103 livres, 2 artistes et plein d’enfants², l’autre projet porté par Les Bricoleuses, à été conçu à partir de l’observation des pratiques de lecture, de la manipulation des livres et du rapport à l’espace des enfants. Aude Boucon insiste sur la place centrale de la littérature jeunesse. « Les médiathèques sont des lieux de proximité ayant une grande habitude de l’accueil. Le livre est une manière d’épeler le monde ; « j’ouvre ce livre avec toi  » est une immense invitation adressée au tout-petit. Petits mondes sensibles est une installation imaginée comme un espace de jeu commun entre les artistes et les tout-petits. Au fil de l’exploration, la musicienne guide le public avec ses chansons et l’invite à se rassembler pour des lectures musicales ou mouvementées. Nous avons présenté notre travail aux auteurs, aux illustrateurs et aux maisons d’édition des livres que nous nous utilisons. Leur accueil a été très chaleureux ! »

Après un long temps consacré au choix des livres, l’idée de créer les espaces de jeu pour multiplier les invitations à la lecture s’est imposée. Fabriqué à partir de matériaux de récupération, le labyrinthe offre de nombreuses manières d’y entrer ou d’en sortir. Des albums en surgissent, à hauteur d’enfant. Le chemin tactile permet d’éprouver le contact avec différentes matières. Dans la cabane sensible, un mur sonore, des jeux d’optique, des nuages qui sentent le thé ou le chocolat… Le public peut explorer très librement, de petites marionnettes de papier couvrent les murs du labyrinthe ». Tels des funambules, les artistes accompagnent le cheminement de chacun. Les moments de jeu, de danse, de musique se superposent. La manipulation de l’objet livre déclenche l’interprétation d’un artiste. Avec le souhait de s’adapter à n’importe quel endroit, Les Bricoleuses jonglent en souplesse. La prise de risque est parfois insensée mais il est certain que les propositions très écrites ou très libres élargissent le champ de tous les possibles sensibles.

• HK