L’édito de Territoires d’éveil n°29

« L’unique (et la plus belle) chose qu’une œuvre d’art puisse accomplir, c’est d’éveiller le désir d’un autre état du monde. » Heiner Müller

Dans un contexte général aux multiples urgences, l’éveil artistique et culturel du très jeune enfant, loin d’être un supplément d’âme, est au cœur des résistances actives et créatives qui se mobilisent sur les territoires, envers et contre toutes les dégradations et les reculs incessants des financements de services publics toujours largement soumis aux diktats d’un monde dépassé, en situation d’effondrement… 

Les acteurs de l’éveil artistique témoignent de leurs projets, porteurs d’une diversité d’initiatives dans les multiples espaces de nos vies familiales et sociales, du dedans et du dehors, espaces publics ou hors les murs… Leur engagement culturel et social s’appuie sur les ressources locales, individuelles et collectives. Il participe du laboratoire en action d’une énergie de l’art et de la culture qui refuse de baisser les bras devant les situations professionnelles fragilisées ou la dégradation de la qualité de l’accueil des jeunes enfants. À travers leurs projets, c’est une relation à la création et aux œuvres du sensible qui est au cœur de ce qui donne du sens à nos vies, à notre subjectivité désirante et créatrice, à nos relations familiales et sociales. Dans ce mouvement vivant de refondation de liens entre les gens, « les petites et les grandes personnes » comme le dit poétiquement Marie Prete de La Vache bleue, c’est l’infini d’un désir possible projeté qui se met en jeu via l’interprétation, l’improvisation ou les multiples rapports à la création vécus et partagés. 

Ce sont bien les pratiques artistiques qui nourrissent la pensée subjective, les relations de sens et de partage dans l’altérité langagière. Les valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité sont alors plus que jamais les références effectives du droit dans un partage des ressources de la terre et d’une nouvelle relation respectueuse du vivant de la nature et de la culture.

L’investissement créatif et artistique dans une quête incessante de sens pourrait être le lot de chacun d’entre nous… à l’origine de cette confrontation initiale qui nous a permis, bébé, d’advenir au langage et à la fonction symbolique, essence même de notre subjectivité parlante et désirante de citoyen du monde. 

L’art et la culture sont et seront encore et toujours au cœur de notre résistance à vivre en humanité…

• Marc Caillard
Président – Fondateur – Enfance et Musique