Le Pont des Arts, des artistes en milieu de soins

Depuis plus de vingt ans, l’association bruxelloise intervient auprès des enfants hospitalisés. Six artistes de toutes disciplines viennent chaque semaine déposer un art de la relation au pied du lit. Une longue histoire de partage.

Très sensibilisée par son milieu familial avec un père médecin et une mère infirmière, Inghe Van den Borre, alors infirmière, crée en 1992 l’association sans but lucratif (asbl), Libr’Aire. Animée d’une passion pour l’art et la culture, elle clôt en 1986 son activité d’infirmière pour devenir conteuse et marionnettiste.

Avec la volonté d’ouvrir le temps et l’espace des séjours en milieu de soins, de lutter contre l’isolement social et culturel, des interventions sont proposées aux enfants, libres d’accepter ou non une présence artistique auprès d’eux.

LA RENCONTRE, PAS LA PERFORMANCE

En 1998, le projet se développe et Le Pont des Arts est initié. Depuis les années 2000, l’équipe s’est agrandie et compte aujourd’hui 8 permanents, dont 6 artistes.

Chaque intervenant du Pont des Arts travaille à mi-temps pour l’association, le reste étant consacré à sa propre activité artistique. L’équipe se compose d’une danseuse, une chanteuse, une plasticienne, un jongleur, un conteur et un marionnettiste. Leur lien est étroit et soutenu grâce à une réunion d’équipe hebdomadaire, les trois autres demi-journées étant consacrées aux interventions en milieu de soins. Une demi-journée leur est également réservée pour la préparation et la création de spectacles courts et d’ateliers au pied du lit qui sont les modes d’intervention privilégiés : « Le Pont des Arts s’est donné pour mission d’aller à la rencontre des enfants. Avec chacun, nous pratiquons un art de la relation, de l’ici et maintenant, pour créer un espace poétique, imaginaire, de création et de liberté au sein du monde médicalisé de l’hôpital ». Fabienne Audureau, chargée de la communication de l’association est passionnée par le monde culturel ; elle défend cette rencontre individuelle de l’enfant avec l’artiste et met en avant ce moment d’évasion, choisi par l’enfant, sans objectif de soin. « Nous défendons la rencontre pas la performance ».

Le Pont des Arts bénéficie d’un agrément du ministère de la Culture en Belgique francophone. Reconnue comme compagnie professionnelle, elle peut assurer une stabilité aux artistes qui la composent, tous engagés en CDI.

Fabienne Audureau définit ainsi les missions de l’association : « Nous avons la volonté d’apporter aux enfants l’opportunité d’une découverte artistique et culturelle. Ils choisissent une proposition artistique et peuvent aussi refuser notre présence. Notre plasticienne prépare des ateliers, les autres artistes présentent de petites formes, au pied du lit. Nous intégrons les familles et les fratries, souvent présentes lors de nos interventions. Un atelier collectif peut se faire jour tout autant qu’un partage en confidence… C’est la situation qui détermine notre mode de partage. 

L’ART EST ESSENTIEL !

Notre objectif est également sociétal en collaborant avec les soignants, en travaillant pour une plus grande humanisation des lieux de soins. C’est une autre place de l’artiste dans la société qui se dessine au travers de nos interventions. L’art est essentiel, partout ! »

Le Pont des Arts a installé des partenariats de longue durée avec quatre services pédiatriques, trois centres d’accueil de personnes polyhandicapées, deux services de néonatalogie, une maison de retraite. Les artistes y interviennent chaque semaine, toute l’année.

Au CHU Saint-Pierre de Bruxelles, les artistes rencontrent « les enfants SOS », victimes de maltraitance et en attente de placement. Accueillis de la naissance jusqu’à dix-huit ans, ils peuvent y séjourner plusieurs semaines voire plusieurs mois… « Malgré l’école à l’hôpital et quelques sorties, cette douzaine d’enfants en moyenne se sent confinée » précise Fabienne Audureau. « Nous avons la sensation de partager une respiration avec eux. Nous leur laissons du matériel sur place pour qu’ils puissent prolonger notre échange ».

LA PLACE DE L’ARTISTE

En solo mais aussi avec trois spectacles en duo, les artistes du Pont des Arts « sont une opportunité un peu magique, un mirage tangible » écrit Eric De Staercke, metteur en scène et parrain de l’association : « la chambre, le lit ou les soins ne sont plus un obstacle, les artistes s’adaptent à l’enfant et c’est sa gourmandise qui prime. Tout cela donne envie, donne espoir ».

Les mois de confinement ont interrompu les interventions. Le Pont des Arts a mis à profit cet isolement pour réaliser et auto-éditer le livre Le cirque du vent, adapté d’un spectacle régulièrement joué dans les services de pédiatrie. Le vernissage dans une galerie bruxelloise fut l’occasion de mieux faire connaître leur activité. 

La Région Bruxelles-Capitale soutient le fonctionnement de l’association. La commission communautaire française (COCOF) renouvelle chaque année son accompagnement des projets. La ville de Bruxelles et son échevine Delphine Houba au cabinet de la culture réaffirment leur intérêt porté à la culture en milieu de soins. 

« Nous poursuivons la réflexion sur la place de l’artiste, c’est notre chantier important dans les deux années qui viennent » souligne Fabienne Audureau. « Il est nécessaire d’installer un cadre de reconnaissance de notre métier. Un groupe de travail regroupant des professionnels partage ces avancées ». 

Une première formation professionnelle a été dispensée à douze artistes. Il faut souhaiter que l’expérience soit renouvelée pour continuer d’élargir l’éventail des propositions. 

Le Pont des Arts ne cesse de s’engager dans l’exigence de la professionnalisation et préserve sa mission première : partager l’art.

• HK