En tant que linguiste, je m’intéresse depuis une trentaine d’années à ce qu’on peut appeler les capacités précoces du nourrisson. Un linguiste passe sa vie à construire un modèle scientifique de la langue et la langue lui échappe tout le temps. Il se pose la question : que fait l’être humain pour s’approprier cette complexité quand il est tout jeune ? Ce phénomène d’acquisition de la langue a une régularité assez universelle comme l’apparition de la marche et la poussée des dents. Les enfants, qu’ils soient à Paris, en Amazonie, en Chine, commencent à parler et à produire des syllabes en même temps ; c’est essentiellement pendant les cinq premières années que la langue s’installe. Alors, le linguiste désemparé se rend compte que sa science n’est rien par rapport aux compétences linguistiques de l’enfant. Le vrai linguiste, c’est l’enfant qui acquiert des langues dans la société où il est né. Il découvre très vite comment une langue fonctionne et comment il peut s’en servir.
Nous savons que le bébé à la naissance a des compétences, des perceptions qui lui permettent de distinguer les voix qui l’entourent. Il différencie la voix maternelle de toutes les autres voix. Elle est inscrite dans la psyché humaine ; le bébé a une attraction naturelle vers cette voix, mais il est important que d’autres voix viennent immédiatement après se superposer.
C’est extrêmement important de pouvoir distinguer plusieurs voix, parce que cela constitue déjà un acte de discrimination mentale. À partir de ce petit acte, la pensée se met en mouvement.
Si l’enfant est sourd-muet, il s’approprie la grammaire du visage. L’être humain coordonne l’intonation de la langue avec les mouvements du visage ; l’un et l’autre doivent être en harmonie pour construire un certain sens. Pour moi, le visage n’est pas seulement un nez, une bouche, deux yeux ; c’est une sorte de livre qui renvoie en permanence des informations auxquelles les nourrissons sont extrêmement sensibles. Ils sont tout le temps en train de lire. C’est pour cela que je m’intéresse aussi à la lecture. La lecture commence au moment où l’enfant déchiffre les indices fournis par la voix, les mouvements du visage, et par les mouvements de la langue des signes. Tous ces indices permettent de construire du sens, sens qui n’est pas le même chez le nourrisson que chez l’adulte, bien entendu.
Dès lors, le nourrisson entre dans un processus de captation de culture, de transmission, si on peut dire les choses comme cela, parce qu’il s’approprie les traits acoustiques des voix qui l’entourent. À partir de ces traits acoustiques, il construit sa propre voix, produit la voix des premières syllabes. Énoncer des syllabes, c’est déjà être dans une culture. Si la faculté à capter la discrimination acoustique des sons des langues est biologique, l’apprentissage d’une langue (le français, le chinois ou l’espagnol) est un phénomène culturel, lié aux circonstances fortuites de la vie qui nous ont fait naître ici ou là.
Au fur et à mesure que le bébé commence à construire sa voix, à partir des traits acoustiques des voix qu’il a entendues, il commence à construire de l’altérité. Pour qu’il y ait des mouvements vers l’autre, il faut que l’autre soit représenté dans la pensée ; s’il ne l’est pas, on ne peut pas le chercher, parce qu’il n’est nulle part. La conscience de l’altérité, la représentation mentale de l’autre, joue un rôle fondamental dans l’organisation du langage. L’enfant qui a une audition normale construit une forme d’altérité psychique en même temps qu’il façonne sa voix à travers la sonorité de langue.
En construisant ma voix, je me suis appuyé sur les traits acoustiques de ma mère, de mon père, de ceux qui m’ont entouré ; l’autre est là, présent symboliquement. Symboliquement, pas réellement. Ici commence à se construire la première inscription du symbolique : je ne suis pas tout seul parce que je suis accompagné symboliquement. Ainsi, à chaque fois qu’on ouvre la bouche, on devient des porte-parole, on porte dans sa voix ceux qui nous ont donné accès à la sonorité de la langue. La voix de chaque individu est façonnée en fonction de la musique de la langue, de la prosodie de la langue qu’il a entendue. Les Chinois n’ont pas la même voix que les Français, les Américains n’ont pas la même voix que les Chinois et les Français, et ma voix, moi qui suis argentin, n’est pas la même que celui qui a appris la langue maternelle française.
Chaque langue crée sa propre musique. Pour chaque langue se crée une sorte de prosodie qui est un peu différente des autres, mais dans toutes les langues il y a le même phénomène de transmission de la construction de la voix, de génération en génération.
La langue se perd avec l’origine de l’homme. Apprendre une langue est une expérience qui se transmet de génération en génération depuis des milliers d’années.
La langue a des régularités de temporalité, il y a des syllabes longues, des syllabes courtes et c’est pour cela que la musique est une sorte de prolongation de la prosodie de la langue. Toute langue a sa poésie, toute langue a sa manière de parler au bébé. Par exemple, en français, pour caresser un bébé, on utilise les phonèmes de la langue française en disant : « guili, guili, guili » et pas « goulou, goulou, goulou » comme en espagnol. Ces petites choses sont importantes parce que l’audition donne accès à la temporalité. Les objets sont visibles, mais on ne voit pas le temps. L’être humain, par l’audition, par l’appropriation de la sonorité de la langue, entre dans la dimension de la temporalité, complètement abstraite.
C’est pour cela qu’à partir du quatrième mois de vie, lorsque le bébé commence à produire les premières syllabes et à jouer avec la durée, l’intensité et la rime syllabique, la musique, la poésie, les berceuses et les comptines sont particulièrement bienvenues. La durée, sous forme de syllabes courtes ou longues, de même que l’harmonie vocalique, sont utilisées dans toutes les langues pour accompagner le tout-petit dans son berceau.
Le bébé a une capacité impressionnante à capter les phénomènes culturels qui lui sont transmis. Mais, pour qu’il puisse les capter, il faut les mettre en scène. C’est par la mise en scène dans l’intersubjectivité, de la chanson et de la comptine que le bébé s’approprie certaines propriétés fondamentales qui sont liées à la prosodie, à la musique de sa langue et qu’il les fait siennes. Au fur et à mesure qu’il entre dans la langue et dans la culture, il se construit en tant que sujet.
Nous avons l’impression que la langue fait partie de nous-mêmes, mais au début elle n’était pas là, elle était à l’extérieur de nous. Je m’approprie cette langue à tel point que cette langue me permet de parler du monde, de moi-même, des autres, mais surtout c’est un moment où c’est « moi » qui parle. C’est là l’émergence du sujet. Si le langage a déjà construit l’altérité, si l’autre est présent symboliquement dans son esprit, s’il n’est pas tout seul, s’il a un interlocuteur auquel il peut s’adresser, l’enfant devient source de langage et, par là, sujet de son propre discours.
Le langage devient un compagnon symbolique à notre disposition quand nous parlons, quand nous écoutons, quand nous fantasmons et quand nous rêvons.
Le monologue que nous utilisons dans la vie quotidienne commence dans le berceau, avec cette manière « ta, ta, ta » de pouvoir, s’entendre soi-même. Ce « ta, ta, ta » se réalise dans un moment de bien-être quand l’enfant est bien nourri, propre, qu’il n’est pas malade et qu’il commence à entrer dans une autre régulation de son activité psychique. Celle-ci a quelque chose de fondamental ; il faut qu’une fois mise en route, elle ne tombe pas en panne. Il faut la nourrir, c’est cela la culture. Dans toute société, le rôle de la culture est de donner immédiatement à l’enfant la possibilité de capter certaines choses dans lesquelles il y a de l’expérience psychique. Cela se transmet de génération en génération, c’est ce qu’on appelle entrer dans une chaîne symbolique.
Le bébé doit gérer trois mondes à la fois : le monde physique, le monde interne, le monde de l’intersubjectivité. Le monde de l’intersubjectivité est là depuis la naissance et sera là jusqu’aux derniers moments de notre existence : à chaque moment, il faut construire et moduler en fonction de ce qui est en face de nous. Même avec celui qui est profondément familier, il faut tout le temps introduire des mouvements, des changements. C’est dans ce monde que va se passer ce qui est profondément humain, l’amour, la haine, la reconnaissance, l’abandon, le mensonge… La liste est longue.
L’adulte a une grande responsabilité pour permettre au bébé d’entrer dans cette intersubjectivité. On constate que lorsque le bébé prononce une syllabe, il y a un adulte qui se met à sa disposition pour lui renvoyer un écho de la production de son activité psychique. C’est pour cela que lorsqu’un nourrisson prononce « ta, ta, ta »,sa maman reprend « ta, ta, ta », et le bébé « ta, ta, ta », créant ainsi un dialogue symbolique, un dialogue syllabique, avant d’arriver à créer un dialogue sémantique, mais cela sera beaucoup plus tard, chez l’adulte.
Dans toutes les cultures, les adultes s’intéressent à l’activité psychique du nourrisson. C’est pour cela que le regard va être dévié, si on peut dire les choses comme cela. Au début la mère est en face à face avec son bébé, puis elle utilise le hochet qu’elle met dans le berceau pour lui montrer quelque chose. Elle regarde alors, avec lui, ce quelque chose qui n’est ni lui, ni elle ; en invitant à regarder dans la même direction, elle crée un espace commun et permet que le monde commence à y entrer. En donnant au tout petit enfant des choses à regarder, seul ou avec l’adulte, elle nourrit son activité psychique.
Un peu plus tard, le bébé montrera à son tour et, plus grand, dessinera des objets. Cette sorte de communication des places est préparée par l’usage des « je », « tu ». À un moment donné, c’est toi qui es « je », celui qui parle, je suis « tu », celui qui écoute ; mais quand je prends la parole, c’est moi, « je ». C’est cela le regard conjoint, la déixis dans le langage : pouvoir se placer et placer l’autre pour qu’une activité d’énonciation puisse avoir lieu. C’est par la mise en scène par les adultes de tous ces processus, en présence de l’enfant, que celui-ci peut devenir à son tour metteur en scène.
Je voudrais aussi insister sur le support et la mise en scène. Pour moi cela a été une découverte fondamentale, quand j’ai découvert que les enfants autistes, quand ils commencent à montrer des objets du doigt, à regarder ceux qu’on leur montre, ne sont plus autistes. Quand on montre un objet, on le montre à quelqu’un. Cela veut dire que ce quelqu’un fait déjà partie de l’altérité psychique. C’est fondamental, car lorsqu’un bébé voit quelque chose, il le montre en regardant l’adulte ; si l’adulte ne regarde pas ce que l’enfant montre, il y a un problème. Il faut renvoyer un écho à ce que le bébé vous a montré. Les premiers mots arrivent parfois comme cela : le bébé montre, l’adulte nomme ce qu’il a montré, puis le bébé commence à entrer dans la sonorité de la langue.
Quand je montre un objet, l’objet montré est secondaire ; ce que je veux dire, c’est que cette chose-là a produit quelque chose dans mon esprit et je l’utilise comme support pour dire à l’autre : « regarde, à travers cela il y a quelque chose qui s’est passé dans mon esprit. »
Je commence à mettre en scène quelque chose qui est invisible à travers un support qui est captable par le sensoriel. C’est cela le langage, c’est cela les mots. Chaque fois que je parle, je mets en scène par la sonorité du langage. Nous dialoguons les uns et les autres avec ce que je pourrais appeler la représentation de la présence psychique. La psyché est devenue un lieu où l’on peut représenter la présence, mais c’est une présence symbolique.
L’être humain se transforme en un metteur en scène : la prosodie de la langue, l’art, la littérature, sont des expériences humaines que l’on présente au bébé pour qu’il puisse mettre en scène ses propres fantômes de l’esprit.
La musique n’est pas un complément, parce qu’on ne peut pas concevoir une culture ou une langue où l’on ne fait pas de musique, ni une langue dans lesquelles il n’y aurait pas d’art ni de littérature. La musique, la langue, la littérature, la poésie, sont profondément assemblées. Et comme la langue fait partie de l’organisation psychique, tous ces phénomènes ne sont pas des compléments, ils font partie de la constitution de l’âme humaine. Parce que précisément une des finalités de la psyché, c’est de construire du sens dans l’intersubjectivité : pouvoir deviner un peu ce qui se passe dans la psyché de l’autre à partir des indices qu’il me donne à travers la langue, les intonations, les mouvements du visage…
Là où on ne peut construire du sens, le « mime psychique » peut se créer. Cela fait travailler, bien sûr, mais on ne peut pas rester toute son existence dans le mime psychique, il faut de temps en temps pouvoir construire du sens, et en même temps qu’il y ait de l’inconnu. Les deux vont de pair.
L’être humain ne s’arrête pas aux premiers mots, à la capacité de montrer et de nommer, il faut qu’il puisse avoir accès à l’autre modalité de la représentation humaine, la représentation de l’absence. Cela commence par l’apparition de deux mots. L’enfant boit son jus d’orange, le termine et dit : « a plus, encore » ; ou quelque chose tombe par terre, il ne le trouve pas : « pas là » ; ou plus tard quelqu’un lui donne un coup de pied, il dit : « pas mal ». Ces petites phrases, c’est l’apparition d’énoncés à deux mots. C’est par la syntaxe, par la combinaison de deux mots, que l’on commence à nommer ce qui est absent. Dire « a plus », c’est dire : la chose était présente, maintenant je la présente comme absente. C’est une opération spécifique à l’espèce humaine.
Une fois que l’on peut voyager par la langue, la pensée peut se déplacer dans le temps et dans l’espace. Dire « a plus », c’est un petit déplacement, mais c’est grâce à cela qu’un jour l’enfant devenu grand pourra dire : « la semaine dernière, j’étais en Angleterre ». Il pourra se déplacer dans le temps et dans l’espace. Tout ce que l’on a appris à l’école : le présent, le passé, le futur, pouvoir nommer la présence et l’absence, sont des modalités que toutes les langues peuvent exprimer. Il est important que l’adulte puisse renvoyer en écho que la nomination de l’absence a un sens pour lui aussi, même si ce sont des choses profondément abstraites.
Imaginez, par exemple, une maman en train de faire son ménage, qui, regardant un tableau, dit : « le soleil a mangé les couleurs du tableau ». Et son fils qui lui dit : « moi, je sais pourquoi le soleil a mangé les couleurs du tableau ». Pourquoi ? « pour faire l’arc-en-ciel ». Face à cette réponse, on peut avoir deux positions. On peut dire : « c’est extraordinaire, présence et absence se mettent dans la poésie de la langue ». Mais imaginez que l’on dise : « ce n’est pas vrai, plus tard tu comprendras ». Il ne s’agit pas d’une question de vérité, il s’agit de comprendre que l’activité psychique de l’enfant est en train de se déployer, et qu’elle trouve un écho chez l’adulte.
Pouvoir entrer dans la langue, émerger comme sujet, mettre en activité psychique l’autre, et en même temps nommer l’absence et en avoir une représentation, tous ces phénomènes sont du langage. Ils permettent à l’imaginaire d’apparaître avec une force considérable, parce que l’on peut nommer ce qui n’existe pas, nommer autrement ce qui existe déjà, et se déplacer dans le temps et dans l’espace d’une manière symbolique.
Si l’enfant est capable de nommer ce qui est absent par la langue, il va pouvoir commencer à se représenter la possibilité de sa propre absence, prendre conscience qu’il est mortel. C’est par le langage que, vers l’âge de deux à trois ans, on arrive à découvrir qu’un jour, on sera aussi absent. Cette angoisse-là est profonde ; le petit humain n’a pas encore la carapace de l’adulte pour pouvoir supporter ce traumatisme. La culture doit venir à ce moment-là pour donner du symbolique, pour faire que la vie soit possible. Toutes les cultures mettent à la disposition de l’enfant des croyances pour dénier la mort, pour aimer, pour se faire aimer, pour se réaliser en tant que sujet individuel et social, là où les circonstances de la vie l’ont fait naître et vivre. Une culture, c’est une quantité d’illusions symboliques pour faire que la vie soit possible.
On peut donner beaucoup de définitions de la culture ; philosophique, sociologique, ou autre, mais à mon avis il n’y a pas de définition plus intéressante que celle-là.
Le bébé comprend très tôt que le son qui sort de la bouche des adultes, le mouvement des lèvres et du visage, ont un sens ; il est très sensible à la prosodie de la voix.
Comprendre qu’il y a un sens dans un récit est un très long parcours. Une fois que l’enfant se rend compte qu’il y a un sens que les adultes ont mis en scène par la lecture, par des intonations différentes, il apprend que l’on peut utiliser le livre comme un objet qui a du sens, qui permet de construire du sens et que l’on peut effectivement mettre en scène des émotions humaines à travers cette histoire-là.
Le livre a aussi un sens parce que tout être humain, de sa naissance jusqu’au dernier moment, est en train d’écrire son propre livre psychique. À chaque moment, nous inscrivons quelque part des informations qui viennent du monde, de l’intersubjectivité et de notre monde intérieur ; nous écrivons un livre interne que nous sommes tout le temps en train de lire sans nous en rendre compte. Je voudrais ressusciter ce livre interne en montrant qu’avec le livre que l’on prend dans les mains, livre de littérature ou de contes, on peut faire des modulations de la voix, et faire découvrir l’amour, la vie, mais aussi la jalousie, l’abandon, la haine, la mort… Toutes ces choses-là font partie de l’âme humaine ; il faut que chacun puisse apprendre à les lire, à créer un dialogue avec.
Le récit introduit de nouvelles temporalités avec le recours au passé simple, que l’on n’utilise pas quand on parle dans la vie quotidienne. Il était une fois, c’est un temps nouveau qui n’est pas repéré par rapport au moment de l’énonciation. C’est un autre temps, un autre moment, c’est le temps où est inscrite l’expérience. C’est cela le conte, on raconte quelque chose qui fait partie de l’expérience humaine et ce quelque chose contient peut-être ce que l’enfant est en train de vivre à ce moment-là. C’est pour cela qu’il faut laisser complètement libre l’enfant ; la lecture est un moment de liberté. Vous lisez et vous ne prenez que ce qui vous intéresse, probablement pour mettre quelque chose en forme qui n’a pas encore eu de forme. Aristote disait que l’âme était la forme des choses. Chacun d’entre nous a une quantité de choses qui n’ont pas pris de forme. C’est pour cela que quand nous lisons un livre, chacun de nous va choisir des moments complètement différents, des phrases différentes parce que nous avons besoin de cela pour donner un dynamisme à quelque chose qui est là, attendant une expérience humaine pour prendre forme.
Qu’est-ce que l’enfant a compris ? Cela reste dans sa profonde intimité, mais il a compris quelque chose, il a fait une toute petite mise en forme de quelque chose qui lui appartient. Cette petite chose fait partie de sa construction en tant que sujet et va donner du langage ; le sujet parle par lui-même, la langue permet de faire que « c’est moi qui parle », même si je ne l’énonce pas.
Déployer du possible comme le disait Diatkine, du possible à l’infini. C’est cela la culture. C’est cela la création. L’artiste se met en forme à travers son œuvre, il donne une forme qui n’existait pas avant, mais à travers elle, il se glisse discrètement. Il utilise des supports qui viennent dans la transmission de l’art.
Comment, à chaque fois pouvoir me glisser discrètement ? Même si j’ai un fort accent espagnol, j’essaie de me glisser discrètement à travers la langue française, en toute liberté, pour que, de temps en temps, ce soit moi qui parle. C’est cela le cadeau qu’il faut faire à un enfant. Le langage ne doit pas être simplement un discours rapporté, le discours de la science, ou le discours qui vient, que l’on transmet, le langage doit aussi être source de sujet… Oui, je suis porte-parole, parce que dans ma parole il y a quelque chose qui appartient à la parole des autres, mais de temps en temps, le sujet émerge à travers le langage.
J’ai parlé avec beaucoup de liberté pour essayer de vous transmettre tout ce que je crois être fondamental dans cette histoire.
Evelio Cabrejo Parra
Linguiste, psychanalyste
Vice-président de l’association ACCES
* Conférence faite le 10 mars 2003 à l’occasion de la journée « Regard Croisés ». « L’art et la culture : un espace commun pour penser et transformer le monde » coorganisée par l’ANPDE, Enfance et Musique et la FNEJE avec le soutien de l’ANAP et de l’ANAPSY pe.
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