La poésie et les tout-petits 

Et si la poésie enveloppait les enfants d’un manteau de saveurs langagières ?
La formation est un passage pour oser se remettre les mots en bouche.

« Au premier jour du stage, une participante, auxiliaire de puériculture a découvert un poème de Fernando Pessoa, Les cloches de mon village. Ces cloches ont eu pour elle une résonance lointaine, puissante. Le soir-même elle a lu ce poème au téléphone en français à sa mère et le lendemain en portugais aux bébés de la crèche. Ce partage est à la fois une question d’intention, d’adresse, quelque chose qui nous dépasse, que les enfants écoutent et comprennent quelle qu’en soit la langue. Leur attention est grande si le texte est beau ou surprenant, bizarre ou harmonieux, s’il révèle une qualité poétique et que cette parole leur est adressée comme un cadeau. Finalement le chemin de cette stagiaire du français vers sa langue maternelle, la transmission des cloches de son village par les mots de Pessoa, ce chemin-là… est éloquent sans nul doute. » Marion Cerquant, comédienne et formatrice, évoque ainsi la dimension fondamentale et constitutive de la poésie qui décale chacun de nous du langage factuel. Loin des mauvais souvenirs de l’école qui habille les textes poétiques des affres d’une transmission parfois fastidieuse pour certains et certaines d’entre nous, la formation La poésie et les tout-petits redonne sens à l’imaginaire et à la saveur des mots.

LA MUSICALITÉ DE LA LANGUE

Tout a commencé avec l’intuition de la chorégraphe Véronique His¹ qui, à l’occasion du Printemps des Poètes, souhaitait redonner avec les professionnels des crèches Liberty² une place au langage poétique à l’adresse du tout-petit. Passé l’effet de surprise suscité par la proposition, les adultes ont pu observer des bébés attentifs et perméables. Dite à voix haute, la poésie convoque la musicalité de la langue. « Dans des lieux cadencés par le rythme des tâches quotidiennes, la poésie ouvre un autre espace d’écoute et tisse des liens entre les adultes et les enfants » souligne Marion Cerquant. « Elle peut devenir réponse pertinente au désarroi des adultes et des enfants, c’est l’entrée en résonance d’une relation fine et apaisée. Mise en jeu et en voix, la poésie offre aux adultes l’opportunité d’explorer de nouveaux répertoires d’expression. Face à ces ressources infinies en vers libres ou en métrique plus classique, les adultes se redécouvrent des capacités d’expression oubliées ou insoupçonnées. »

L’AVENTURE COLLECTIVE

Marion Cerquant insiste sur la nécessité « de regarder le monde autrement ». C’est ce regard qu’elle pose avec les stagiaires « de manière chorale » dans cette période si lourde d’interrogations professionnelles multiples. Son expérience de comédienne incite les participants à dire des textes pour les offrir à la réception collective. Il s’agit de saisir la richesse que peut prendre la place du langage poétique dans le développement du tout-petit, de composer des répertoires adaptés à de très jeunes enfants et de concevoir des parcours poétiques qui pourront être mis en situation dans les lieux d’accueil. Les mises en jeu s’appuient sur des techniques vocales et d’éveil corporel. Une journée est dédiée à l’écriture. « De très beaux textes ont été partagés, révélant la capacité créative des stagiaires ». Marion Cerquant entraîne les stagiaires dans le sillage des textes et chacun se joue de la liberté des mots.

• HK