Jeux de construction

Jean-Louis Harter anime pour Enfance et Musique la formation « Instruments de musique et espaces sonores : les imaginer, les construire, en jouer ». Cinq jours pour réaliser un labyrinthe sonore peuplé de résonances.

Un terrain vague, un grenier ou un souterrain, pas trop sombres tout de même, ou encore le grand placard de la cuisine : voilà le genre d’endroits mystérieux qu’on a très envie d’explorer lorsque l’on est un enfant. Et si on les explorait juste avec les oreilles ?

Les grands principes de ce grand jeu de construction (sonores donc) sont posés ! On l’enrichira aussi bien au niveau du matériau lui-même que pour l’attitude à tenir, notamment à travers le geste qui fera sonner ce matériau. Même l’attitude la plus neutre, la simple écoute, le fait de juste « tendre l’oreille », est déjà un geste, par ailleurs tout à fait essentiel à chaque étape du déroulement d’un tel jeu.

Jetons maintenant un caillou dans un récipient d’eau, laissons rebondir une balle sur des objets dispersés ça et là… Ou encore déchirons très précautionneusement une feuille de papier, en essayant de contrôler chaque grain de la matière sonore…

L’action peut devenir plus visible, tout en restant encore très discrète : le geste prépare alors le son, qui est ensuite soumis aux caprices du hasard. Dans d’autres cas, il interagit avec le son tout le long de sa durée : l’attaque et l’entretien d’un son instrumental sont ainsi des mouvements qui le façonnent entièrement, comme lorsqu’on frotte une corde de violon ou qu’on souffle dans une flûte.

Cet enjoliveur de roue de voiture sonne mieux quand il est posé sur des bourrelets de mousse et s’il est frappé avec une baguette de caoutchouc. On obtient aussi un son intéressant en le frottant avec une bille en acier…

On peut également enrichir le matériau de ce jeu lui-même, c’est-à-dire les objets qui produisent les sons et sur lesquels s’appliqueront tous ces gestes. On choisit d’abord, parmi une multiplicité de matériaux proposés, ceux qui possèdent les qualités acoustiques les plus satisfaisantes ou bien on améliore le résultat sonore à chaque manipulation. C’est ainsi que l’on suspend des objets à taper ou à entrechoquer, que l’on tend des cordes à gratter, que l’on fabrique des racleurs ou des frotteurs. On les compare avec les instruments traditionnels : ils sont faits de cordes et de membranes tendues, d’anches et de languettes fines, de caisses de résonance rigides. 

Nous construirons bientôt des instruments originaux plus sophistiqués, et doués de tout un registre de belles et séduisantes sonorités.

Cette grande feuille froissée qui brise la lumière en une multitude de petits éclats éblouissants est fascinante à regarder. Et maintenant qu’on la caresse, qu’on glisse dessus, qu’on s’y enfouit et qu’on ne se contente plus seulement de voir, mais qu’on en ressent aussi la texture lisse et froide, qui crisse et grésille – on découvre un univers réellement extraordinaire !

… C’est alors qu’on laisse le jeu nous envahir : on crée un instrument géant, à l’intérieur duquel on se perdrait presque et qui se met mystérieusement en œuvre de lui-même (avec l’aide malicieuse de quelques opérateurs…), ou dont les sons apparaissent à l’opposé de là où on les attendait. On ne fait plus seulement qu’écouter, car tous les autres sens sont sollicités : on touche, on caresse, on regarde… Bref, on s’émerveille au travers de multiples sensations. On est entré dans une sorte de labyrinthe-fantôme, débordant de surprises. Émotions garanties !

• Jean-Louis Harter