Grain de sable, premier volet de Bavardage de la matière

Espiègle et curieux, Petitgrain traverse un labyrinthe de paysages et rencontre d’étranges personnages. Bienvenue au pays du sable…

Premier volet d’un ensemble de quatre spectacles, Grain de sable a été pensé pour les tout-petits par sa conceptrice Anne Blon. Comédienne et plasticienne, elle se définit surtout comme exploratrice de matières. Le sable est le premier « matériau » qu’elle aborde dans ce nouveau spectacle partagé avec la chanteuse et compositrice Marie Naud.

UNE MATIÈRE CHANGEANTE

L’idée du spectacle est venue d’une longue pratique d’ateliers avec l’association Toile d’éveil, où elle propose depuis une vingtaine d’années des découvertes sensorielles pour les tout-petits. « Les enfants ont une écoute bien particulière de la matière », explique-t-elle. Le spectacle est issu des observations de leurs réactions souvent poétiques qu’elle a souhaité mettre en écriture de façon élaborée. Les gestes nourrissent sa réflexion artistique, à la fois les mêmes et à chaque fois différents, suggérés spontanément par la matière : « C’est un rapport premier au monde, comme celui de l’enfant ». Dans ce premier volet, Anne Blon met le très jeune spectateur, mais aussi l’adulte qui l’accompagne, au contact d’un élément à la fois simple et complexe, le sable. Pourquoi le sable ? « C’est un matériau dont je percevais les possibles et j’avais senti comment il pouvait susciter l’intérêt et l’observation des enfants, à la fois pour le multiple et l’unique ». C’est également un matériau universel, qui vient du monde entier sous des formes très diverses, couleurs, épaisseurs… « Le sable se module à volonté et n’a pas les mêmes propriétés s’il est sec, humide, fin ou grossier », explique encore Anne Blon. « La lumière, le vent, l’eau influencent ses transformations ». Elle était aussi intéressée par cette déconstruction finale, comme ces châteaux de sable dont on ne voit apparaitre que les vestiges sur les plages, édifices fragiles qui finissent par ne plus laisser de trace et qui ne sont jamais « ratés ».

GRAINS DE SONS

À l’occasion d’une résidence, elle réfléchit avec Marie Naud à l’intervention du son, du chant puis à celle d’un récit. Ce sable en transformation elles le font découvrir dans sa riche variété tout au long du spectacle : couleurs mais aussi frottements, glissements, forment une trame sonore que viennent enrichir les chansons parfois chuchotées, composées par Marie Naud. Elles entrent en écho de la trame narrative du spectacle, la découverte du monde par ce petit grain de sable curieux et espiègle, Petitgrain, une marionnette galet animée par les mains : « l’idée de créer ce personnage est venue rapidement dans l’écriture pour faire face à la quantité de sable, avec la spécificité de l’unique ». Les deux artistes sont accompagnées par le regard extérieur de la metteuse en scène Odile L’Hermitte qui les guide dans cette recherche. Ce sont « les petits événements qui soulèvent les grandes interrogations du jeune enfant, en lien avec ses sensations, ses émotions », affirme Anne Blon. Formes, textures, couleurs, sonorités donnent envie d’y mettre les mains comme le font les deux protagonistes du spectacle, avec lenteur, concentration et jubilation : là, le sable s’écoule, là on le creuse, on le plante, on le mouille…Interviennent peu à peu des galets, des rochers, comme à l’origine du monde… Et puis on partage : « l’enfant essaie, s’essaie, l’adulte l’accompagne, s’étonne de cet engouement du tout-petit pour ces expérimentations ». À la fois spectacle qui conforte les très jeunes spectateurs dans l’exploration, qui avive leur curiosité et qui résonne avec leur perception des éléments du monde et leur rythme, il permet aussi de révéler à l’adulte combien il est vital de créer les moyens de cette traversée. 

• Dominique Boutel