Spectacle Toi et moi, dix doigts
Toi et moi, dix doigts - Photo Frederic Desmesure

Et si…

Je fais le rêve… d’un « après » qui donnera sa juste place au temps long, à la solidarité, à la proximité, à l’écoute…

Voilà 25 ans que j’accompagne des artistes dans leurs créations et actions d’éducation artistique avec une attention particulière pour le jeune et très jeune public.

Avec le temps, j’ai vu les saisons se « remplir » de plus en plus, les subventions stagner ou se réduire, la primauté donnée aux projets, avec leur parangon « l’appel à projets » qui n’a pas grand-chose à envier aux « appels d’offre » de l’économie marchande et la course aux budgets pour y répondre et créer toujours plus, avec de moins en moins de moyens.

J’ai vu la difficulté de donner du temps aux échanges avec des programmatrices et programmateurs submergés par la lourdeur de leurs saisons, des actions à mener, des démarches administratives à remplir sans même pouvoir consacrer assez de temps et d’espace mental pour établir de vrais bilans sensibles, au delà des seules justifications chiffrées, tant leurs équipes se sont réduites.

J’ai vu la multiplication des dispositifs d’aides financières comme autant d’occasions manquées si le projet ne correspond pas au cahier des charges, à moins de s’efforcer de le « calibrer » pour répondre aux critères.

J’ai observé la recherche systématique du nouveau, de l’innovation, le zapping permanent qui interdisent de programmer trop souvent les mêmes artistes et compagnies, le sentiment que les spectacles doivent avoir fait leurs preuves avant même d’avoir réellement pu trouver leur souffle, leur rythme, leur chair dans la rencontre avec les spectateurs ; à ce titre, la priorité donnée aux créations dans les journées professionnelles, les visionnements des festivals, a desservi beaucoup d’entre eux.

 

TROUVER UN NOUVEAU RYTHME

 

Le spectacle vivant, sous couvert pourtant d’une mission de service public, a de plus en plus calqué son fonctionnement sur celui d’un système de consommation, de mise en concurrence des artistes, des projets et même des saisons. On pourrait parler d’une obsolescence programmée qui ne dit pas son nom tant un spectacle qui tourne plus de deux saisons semble être considéré comme un « vieux » spectacle ! Enfin, il n’est pas rare de constater l’épuisement au travail des femmes et des hommes qui investissent toute leur énergie dans la fabrique de ces fameuses saisons. Cela ne vous rappelle rien ?

Et si l’après était différent ?

Et si les saisons favorisaient les séries longues de représentations, accordaient une vraie place aux temps de résidence et d’expérimentation, en s’appuyant notamment sur des compagnonnages avec des artistes et la confiance dans leur démarche ?

Et si, au lieu de réduire toujours plus les subventions pour finalement éparpiller les moyens, on renforçait au contraire les dotations aux artistes, aux lieux les plus solides, les expérimentés, à condition qu’ils inventent de nouvelles solidarités, partages et transmissions, notamment en direction des artistes et compagnies qui débutent ? 

Et si les subventions étaient automatiquement pluriannuelles (3 ans minimum ?) pour laisser aux artistes et aux compagnies le temps de déployer leurs projets. Et s’il n’était plus question de créer chaque année mais plutôt d’approfondir une démarche, d’imaginer des formes et espaces de présences qui ne passent pas systématiquement par le nouveau spectacle clé en mains ?

Et si la priorité était donnée, en première intention, à la proximité, aux véritables logiques de territoires, en faisant confiance aux artistes qui les habitent et les investissent, sans bien sûr s’y enfermer et s’interdire d’aller aussi chercher plus loin des propositions qui viendront forcément enrichir ce travail ? 

Et si on retrouvait la vertu des premières parties pour donner la possibilité à des spectacles plus fragiles, pas totalement rodés, d’aller à la rencontre de spectateurs sans une prise de risque autre que celle de la découverte ?

Et si on cassait le rythme systématique des saisons, de la communication avec son impérieuse sortie de plaquette, en jouant davantage sur la spontanéité, en laissant la possibilité de donner toute leur place à des coups de cœur, à des temps consacrés à l’écoute, à l’échange, à la construction d’une vraie complicité entre artistes et programmateurs ?

 

ASSOCIER LES ARTISTES

 

Et si…
il y aurait encore beaucoup à dire et à penser pour que nous fassions évoluer ensemble notre économie, au sens le plus large du terme, en faisant notamment le choix d’une véritable pratique écologique dans la conception et la diffusion des projets artistiques sans oublier bien entendu la mise en pratique des droits culturels, sans démagogie, en faisant confiance à l’intelligence individuelle et collective, à la capacité des publics à accepter d’être surpris et ouverts à des formes inédites et exigeantes.

Vous allez dire que je suis une rêveuse mais je ne suis sûrement pas la seule !

Vous allez dire qu’il existe des endroits où ce que je suggère est déjà à l’œuvre. Oui c’est vrai, parfois voire trop souvent, à la marge et sans beaucoup d’autres moyens que leur enthousiasme (ce qui est déjà beaucoup !).

Je vais vous dire que j’aimerais y prendre toute ma part tant il me semble vital que les artistes du spectacle vivant reviennent au premier plan de notre réflexion et que nous les y associons. Car ce sont leur imaginaire, leur sensibilité, leur incroyable capacité à dire ou à révéler le monde, nos émotions, nos rêves, nos doutes et nos espoirs qui sont le moteur et le cœur du métier que j’exerce à leurs côtés.

• Anne Reynaud
Chargée de production/diffusion
linkedin.com/in/annereynaud2210

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Territoires d’éveil n°18

Publication : Juin 2020
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