Dispositif très répandu désormais sur tous les territoires, les résidences d’artistes questionnent ceux qui les conçoivent. Il s’agit de réfléchir à la rencontre de deux mondes pour que tous les participants bénéficient de la souplesse du cadre.
Les résidences d’artistes en crèche fleurissent sur le territoire et c’est une bonne nouvelle. Les DRAC s’associent parfois aux Caf pour développer ces projets et les collectivités territoriales s’emparent du dispositif. Ainsi culture, santé et solidarité se conjuguent pour proposer aux artistes et aux lieux d’accueil de la petite enfance de s’engager conjointement dans un projet artistique. Cette proposition est différente des interventions artistiques régulières et une résidence n’est pas nécessairement un espace de création pour un futur spectacle. Elle est placée sous le signe de la recherche, qui dans ce temps imparti de travail, dévoilera des questionnements et des éléments de réponse.
Des artistes viennent à la rencontre des tout-petits, de leur famille et des adultes qui les accueillent en créant des dispositifs inventifs et variés. C’est un temps où l’artiste se met au travail en immersion dans un lieu qui lui est tout à fait inhabituel. Le cadre est souple. Une équipe petite enfance offre l’hospitalité et ouvre ses portes à un artiste ou une équipe artistique.
Chaque résidence est une aventure singulière avec son processus créatif. La résidence est une ouverture sur un espace potentiel des possibles. Il n’y a pas de modèle mais avec l’expérience, des incontournables se sont révélés.
Cette aventure collective demande une préparation avant d’agir, pour d’une part en connaitre un minimum sur le développement et la vie quotidienne des tout-petits et d’autre part pour réfléchir aux préalables nécessaires à une rencontre « authentique » qui permettra à tous de tisser les fils d’une rencontre sensible et créative. L’écueil de ce dispositif serait en effet l’instrumentalisation de l’un des acteurs.
Alors, comment faire pour que chacun soit partenaire à part entière ? Au préalable, d’où vient la demande initiale ? Qui invite qui ? Est-ce une crèche qui invite un artiste ? Est-ce une compagnie artistique qui s’invite à la crèche ? Est-ce un service culturel qui fait appel à un artiste ou lance un appel d’offre ?
Une fois cet élément précisé, d’autres points en découlent. De quelle manière les artistes se saisissent-ils de cette opportunité pour aller à la rencontre du public de la petite enfance ? Comment une structure d’accueil petite enfance peut-elle se préparer pour vivre cette rencontre avec les tout-petits et leurs familles et comment profite-t-elle de ce temps pour oser s’aventurer, s’imprégner d’un autre monde et en faire son miel ?
Comment les structures culturelles jouent-elles leur rôle de médiateur en créant des ponts, des croisements et des rendez-vous ?
Une co-construction est à l’œuvre. Elle demande des étapes. Chaque projet, chaque résidence est unique, la connaissance mutuelle en sera les premiers jalons et la circulation de la parole le premier enjeu. L’attention est portée à la préparation, c’est-à-dire aux éléments constitutifs des préalables. Ce premier temps est essentiel et fait partie intégrante du travail, pour se découvrir, indiquer ses premières attentes qui s’affineront au fur et à mesure des échanges. Après un certain temps de réflexion pour chacun des partenaires, une deuxième rencontre permettra de nommer plus précisément les attentes et les demandes.
Le dialogue et la découverte de chacun dans sa pratique professionnelle est déterminant pour la réussite d’une résidence qui n’est pas seulement une organisation technique bien qu’elle soit indispensable. Il est donc important, ensemble, d’imaginer et de tisser un dispositif de résidence qui prenne en compte les réalités, les désirs et contraintes de chacun. C’est la rencontre de deux mondes, celui des artistes et celui des professionnels de la petite enfance. C’est la création des liens de confiance nécessaires pour supporter tous les imprévus que l’on va croiser et les ajustements à concevoir et à construire tout au long de cette aventure…
Dans une résidence artistique en crèche il peut y avoir deux ou trois partenaires (parfois plus) : l’équipe de la structure d’accueil petite enfance, l’artiste ou la compagnie, la structure culturelle théâtre, médiathèque, école de musique, centre socioculturel… Cet ensemble doit être le garant d’un certain équilibre.
Le cadre d’une résidence artistique en crèche permet d’avoir un espace pour se poser, avoir la disponibilité pour tenter, essayer, éprouver, se laisser surprendre, avoir le temps d’être. C’est important pour la compagnie mais aussi pour l’équipe de la crèche et les enfants Chaque jour est une traversée, avec ses découvertes et ses surprises. On veille aux équilibres pour ne pas saturer un des acteurs.
Il faut suffisamment de temps pour se découvrir et mettre en œuvre un dispositif et des propositions : pour y entrer, pour y être et pour en sortir. Embarquement, navigation, débarquement… tel un voyage. À l’intérieur du cadre, le travail qui va se tisser est singulier et l’on ne pourrait en donner ni la recette ni la méthode.
C’est un processus qui se déroule, un dispositif créatif qui va permettre – avec tous les acteurs mobilisés par ce projet – d’inventer, de tricoter, de réfléchir ensemble. Au moment dédié, souvent pendant la sieste des enfants, les adultes (artistes et professionnels) échangent à partir de l’observation des tout-petits, de ce qu’ils ont récolté et de leur propre ressenti par rapport aux propositions artistiques. Le travail des professionnels de la petite enfance est basé sur l’observation, une connaissance des enfants juste et fine. C’est une compétence sur laquelle on peut s’appuyer.
Le croisement des regards nous enseigne beaucoup sur l’état des choses. Il est aussi possible d’être dérouté par les réactions d’un enfant ou de le découvrir dans des attitudes très différentes de celles qu’il a dans le quotidien de la crèche… Et les parents sont là pour nous raconter les échos ou résonances de ce qui s’est vécu à la crèche dans la journée.
Comment intègre-t-on les parents ? À la crèche, le matin à l’arrivée, le soir au départ, ils sont là, parfois pressés. Une proposition artistique qui leur est adressée peut les toucher et leur donner envie de s’installer quelques minutes avec leur enfant.
La présence de l’artiste peut surprendre, étonner, déranger, il se passe quelque chose d’inhabituel. Pour que cette rencontre soit vécue tranquillement et enrichisse chacun, il est nécessaire qu’une parole soit posée. Les professionnels de la petite enfance feront le lien entre les parents et les artistes.
De la parole : au fil des jours, les temps d’échanges entre l’équipe artistique et celle des professionnels petite enfance sont nécessaires pour ajuster l’organisation et le contenu. Ces temps de parole réguliers sont inscrits dans le planning de la semaine, au même titre que les temps de rencontre auprès des enfants. Récolter les mots de chacun pour savoir où il en est dans ses découvertes, ce qui peut le mettre mal à l’aise, ce qu’il comprend ou non, ce qui le rassure ou l’enthousiasme. Ces échanges enrichissent la connaissance mutuelle.
Pour ma part, j’ai pu avancer sur la question du décalage et j’ai compris pourquoi l’autre n’est pas toujours au rendez-vous là où on le pensait, où on l’espérait. Les artistes et le monde de la petite enfance vivent dans deux réalités différentes. Pourtant il y a de vrais points de rencontres et de convergences : curiosité, sensibilité, étonnement, émerveillement, temps, imaginaire… À cet âge de l’enfance où tous les possibles sont ouverts…
Créer un temps fort pendant la résidence, un temps de rencontre avec les enfants, les familles, les professionnels-les et les artistes. Cela peut prendre des formes très variées.
Un spectacle, mais pas forcément, un dispositif de rencontre qui s’invente pendant la semaine, un temps qui implique les familles… Aux artistes d’inventer ce dispositif avec les professionnels-les : rencontre où une proposition artistique va se vivre au fil des jours mais aussi création d’une aventure, d’un moment fort qui s’inscrit dans la mémoire collective.
Il peut y avoir également le souhait de créer avec l’équipe artistique un évènement hors de la crèche, d’inviter les familles et les professionnels dans un lieu culturel, dans la nature, un lieu intermédiaire, un lieu patrimonial de la région…
Des actions se déroulent dans le quotidien de la crèche. D’autres à l’extérieur et ensemble dans un déplacement des habitudes de fonctionnement et des références, l’aventure se prolonge…
Le moment de bilan, de clôture, de synthèse, le temps de dire ce que l’on a vécu, parfois des incompréhensions ; il est important d’avoir ce temps.
Ce qui est intéressant, c’est ce qui s’est passé mais pas seulement… Laisser des traces pour ceux qui vont poursuivre ou venir plus tard, tenter une nouvelle aventure artistique, donner aux professionnels l’envie d’aller au spectacle, rapprocher les familles des artistes et les artistes des familles, de la cité, du village…
Cette expérience aura appris quelque chose à l’équipe artistique, à l’équipe de la crèche et à l’équipe culturelle mais aussi aux partenaires institutionnels. À partir de la prise de conscience de ce qui s’est vécu, l’expérience suivante sera nourrie de ce qui se sera passé et on abordera différemment les exigences, les incontournables que l’on n’avait pas imaginés, pour être plus libre dans la rencontre et la création avec les tout-petits et les adultes qui les entourent.
Chaque expérience nous apporte un enseignement.
La dernière question, et qui n’est pas des moindres, est de se demander si les structures d’accueil petite enfance ont les moyens d’accueillir les artistes ? Ont-elles le temps et aujourd’hui le personnel suffisant formé à la petite enfance, pour se poser et parler, réfléchir et penser à ce projet artistique qui va se vivre et se construire ensemble ?
• Véronique His, chorégraphe Cie La Libentère
Artiste associée au projet de l’association Enfance et Musique
La résidence d’artiste, un outil inventif au service des politiques publiques
Rapport de la Direction générale de la création artistique- DGCA
Tomes 1 et 2, Mai 2019, 257 pages
Service de l’inspection artistique
Coordination Annie Chevrefils Desbiolles
www.culture.gouv.fr/Espace-documentation/Publications-revues/La-residence-d-artiste-un-outil-inventif-au-service-des-politiques-publiques
Circulaire n° 2006/001 du 13 janvier 2006 relative au soutien à des artistes et à des équipes artistiques dans le cadre de résidences…
https://www.culture.gouv.fr › Thematiques › Files
Circulaire du 8 juin 2016 relative au soutien d’artistes et d’équipes artistiques dans le cadre de résidences
https://www.legifrance.gouv.fr/circulaire/id/40986
Elle distingue quatre types de résidences :
Arts en résidence – Réseau national est un réseau de structures de résidence et une plateforme de ressources qui permettent la mise en commun d’expériences, de compétences et de réflexions.
www.artsenresidence.fr
Le guide du Cnap – Centre national des arts plastiques – détaille les modalités de résidences
www.cnap.fr/ressource-professionnelle/guides-telechargeables/223-residences-darts-visuels-en-france
Quelques éléments sur les résidences de territoire
www.culture.gouv.fr/Demarches-en-ligne/Par-type-de-demarche/Appels-a-projets-candidatures/Residences-d-artistes-en-territoire
Rubriques
Enfance et Musique
17 rue Etienne Marcel
93500 Pantin
Tél. : +33 (0)1 48 10 30 00
Siret : 324 322 577 000 36
Organisme de Formation déclaré
sous le n° : 11 93 00 484 93
Partenaires publics