Compagnie La Vache Bleue

Un collectif d’artistes se consacre à parcourir villes et villages des Hauts-de-France pour inventer des rencontres avec ses habitants.

« Provoquer des retrouvailles, avec notre théâtre artisanal, cousu main, notre théâtre de proximité et de rencontre ». Marie Prete évoque avec enthousiasme, sensibilité et conviction, les multiples facettes d’un projet qui n’est jamais bien loin des habitants. Conteuse, auteure, metteuse en scène et membre d’un grand collectif de création, Marie Prete a le discours vrai des artistes proches de leur public, pour partager le pique-nique dans l’herbe de la Ferme d’en Haut pendant le festival Les Minuscules à Villeneuve d’Ascq ou murmurer des comptines dans une médiathèque. « Quand on vit de près la misère sociale, il est impossible de produire un travail qui ne serait qu’esthétisant. À Roubaix par exemple, nous réalisons un important travail avec les familles. Notre chemin artistique est empreint de cette trace-là, comme d’une force de résilience. Nous sommes en questionnement permanent pour trouver la juste limite qui favorise une construction dans l’altérité, sans considérer le bébé ou les familles comme les objets d’une expérimentation artistique. C’est une grande responsabilité dans ce contexte fragile ». 

Arts du récit, théâtre de rue, théâtre d’objets… La compagnie La Vache Bleue multiplie les idées de rencontres sur son territoire. Des spectacles pour les tout-petits, et les plus grands, des formes insolites, un festival, Les Minuscules, des spectacles de rue, des résidences artistiques… Avec une seule ligne directrice « rester au plus près des gens car ils sont au cœur de nos recherches. Notre théâtre est avant tout un théâtre de proximité, où le spectateur est là tout proche, où lui et nous, pouvons entendre nos respirations réciproques. Notre matière principale est la parole. Le récit, la tradition orale, le conte tiennent beaucoup de place dans notre travail ». 

Créée en 1994, la compagnie est composée d’artistes engagés et toujours fidèles à l’éducation populaire. « Dans notre démarche il y a quelque chose de l’ordre du soin, oui… l’idée de prendre soin des habitants, avec cette envie de rester au plus près des publics, de faire sens. Notre responsabilité est de ne pas mettre les parents en échec mais bien au contraire retrouver avec eux des gestes nourriciers. Quand une famille retrouve la lecture, il reste des traces ». Ancienne lectrice de l’association Lis avec moi (lien), Marie Prete réaffirme une préoccupation sociale tout autant que culturelle : « Comment construire sa propre histoire ? ».

LES PETITS BERCÉS

La compagnie joue hors les murs, avec l’idée que le spectacle se déplace avec les artistes, une forme nomade qui les conduit aussi bien dans les salles de spectacle que dans les lieux d’accueil du tout-petit et de sa famille. Ainsi sont nés Les Bercés, spectacle pour les grands qui accompagnent leur enfant, présenté en forme de bulle circulaire où les parents chantent et bercent au fil de la représentation. 

En est issue Les Petits Bercés, petite forme en frontal, particulièrement bien adaptée aux bibliothèques et aux médiathèques. Ce moment chanté, avec son histoire, ses chansons, ses albums et comptines, dessine un paysage pour raconter la vie, avec le temps qu’il fait, le temps que l’on se donne pour se poser. « On y amène une scénographie souple qui peut s’installer à l’abri du bruit et du passage. Nous avons eu envie de proposer cette petite forme tout terrain, comme une invitation joyeuse à la rencontre du spectacle vivant ». Installés au sol, Marie Prete et Guillaume Leclercq « évoluent sur un tapis de danse, comme un grand tableau noir où tout est possible. Peu à peu le tapis/tableau se remplit d’histoires et de souvenirs ». L’espace scénique se dessine, des chemins s’inventent au fil des mots. À la fin du spectacle, les petits sont invités à venir jouer et dessiner avec des craies : « plus de craies, moins d’écrans… ». 

LES MINUSCULES

Un objectif : « faire venir et revenir ». Il est presque difficile de qualifier de festival, Les Minuscules, ce moment dédié aux arts du récit et à la tradition orale enfantine, parsemé de partages. Dans le cadre champêtre de la Ferme d’en Haut – Fabrique culturelle – à Villeneuve d’Ascq, le grand collectif d’artistes réuni à cette occasion met tout en œuvre pour une proposition ouverte : une dizaine de spectacles et vingt représentations, des ateliers avec les artistes, une journée professionnelle, des débats, de la formation, des expositions et autres installations insolites. 

2021 verra se dérouler la treizième édition de ce moment festif dans la métropole lilloise. Le « minuscule festival des petites et des grandes oreilles » est préparé en amont avec les professionnels de la petite enfance, le réseau lecture, les artistes, les habitants. Une forte complicité s’est donc construite au fil du temps entre les différents acteurs du territoire. « Le festival est un travail d’équipe », souligne Marie Prete. « Le déroulé d’une journée est émaillé d’échanges entre professionnels et familles. Un détour par la librairie indépendante, un spectacle, un repas partagé, un film… sont autant de jalons posés par cette proposition ouverte. Pour la treizième édition du 7 au 13 juin 2021, la compagnie partagera un temps de spectacle dans la crèche de l’Université de Villeneuve d’Ascq. Les Minuscules est « un rendez-vous familial pour participer à de doux moments artistiques » comme les soirées pyjamas en famille, reprises par la suite sur le terrain. 

Difficile de faire le tour de toutes les actions de la compagnie, tant les propositions foisonnent. Tel un cabinet de curiosités composé de propositions rares et singulières, le travail de La Vache Bleue s’attache aux objets et aux gens qui racontent une histoire. 

• HK