Marie Sophie Denis Richard a élaboré un programme d’actions en chanson qui se décline sous de multiples formes. Chanter avec les petits est aussi devenu une affaire de grands…
Chanter avec un bébé, c’est lui offrir un moment privilégié de jeu, de tendresse et de complicité. C’est peut être aussi lui donner un atout essentiel pour accompagner ses premiers apprentissages. Marie Sophie Denis Richard décline ces préceptes dans de nombreuses structures. Le projet « Chanter pour grandir » s’adresse tout d’abord aux écoles, aux lieux multi-accueil et enfin aux structures d’accueil enfants/parents. « Chanter pour s’amuser, pour s’éveiller, pour parler, pour transmettre, pour vivre ses émotions, pour apaiser. » Marie Sophie Denis Richard évoque ce chemin du babillage aux mots que les chansons et comptines vont jalonner. Dans ses ateliers elle insiste sur les sensations : chatouillis et balancements, mouvements des mains, syllabes et notes qui sont autant d’occasions de rire et de partager. Dans de nombreuses comptines, le corps est nommé, balancé, bercé, caressé ce qui accompagne l’enfant dans ses découvertes. À la recherche d’un patrimoine perdu, elle construit et retisse une mémoire familiale à transmettre aux petits, comme un cadeau. L’imaginaire est sollicité dans « les chansons qui sont de petits théâtres de vie, aidant le petit à vivre ses peurs, ses chagrins, ses joies pour mieux les apprivoiser ».
Un répertoire créateur
Mais la musicienne ne s’arrête pas là. Elle propose également un atelier « comptines et chansons » aux adultes. Régulièrement le soir une quinzaine de mamans, des professeurs des écoles en activité ou à la retraite, des assistantes maternelles se retrouvent dans l’ancienne usine Valeo de Nogent le Rotrou, aujourd’hui désaffectée. Cet endroit désinvesti par le monde industriel abrite aujourd’hui les bureaux de quelques associations. Une partie de l’année, la salle de spectacles démontable, la BarAque, est installée dans les jardins qui jouxtent les locaux.
Dans une salle spacieuse (toutefois très sonore et peu accueillante), les quinze chanteuses arrivent peu à peu. Les rires qui perlent déjà dans l’escalier témoignent de la complicité et de la confiance qui règnent entre les participantes. À l’ordre du jour, une première discussion concernant la fête de la musique. Le délicat problème des emplois du temps, des répétitions nécessaires pour le spectacle à venir étant plus ou moins réglé, Maris Sophie Denis Richard prend son accordéon, signal implicite de la séance qui commence. « Bonsoir que fais-tu là dans le noir… » D’abord un tutti et chacune reprend une phrase pour la passer à sa voisine, la mélodie fait le tour, on égrène les prénoms, le cercle est soudé. Comme pour ses spectacles, la musicienne attache beaucoup d’importance à l’accueil ; on prend le temps d’ouvrir collectivement ce moment de musique, ce qui permet à chacune de bien s’installer dans la répétition. Il n’y a pas eu un mot de consigne, le rituel est tacite, jubilatoire.
Les chansons s’enchaînent : Monsieur Pouce, Haskawawa, L’araignée, Les pompiers, Un escargot… On se lève pour un canon un peu plus délicat. Le répertoire est pétri de sourires, de regards attentifs, la séance est fluide. La musicienne intervient avec légèreté, pour donner un conseil ou proposer de reprendre. Il est évident que les habitudes de travail sont bien installées. Les chanteuses savent cerner une difficulté, la conscience de ce vers quoi l’on tend est omniprésente.
Parmi les participantes se trouve une retraitée qui rencontre depuis quelques temps des problèmes d’audition. Sa voisine l’encourage et l’aide avec finesse, avec une attention si généreuse que l’émotion n’est jamais loin. Pendant toute la répétition chacune veillera à ce qu’elle ne soit jamais exclue et bien souvent les soucis s’achèveront en éclats de rires.
La question du spectacle de la fête de la musique revient et les chanteuses se séparent en ateliers pour travailler scéniquement leur répertoire. Trois groupes se constituent et s’éparpillent dans les locaux. Pendant une bonne demi-heure, chaque petit ensemble travaille, discute, essaie des propositions. La musicienne va d’un groupe à l’autre pour prodiguer quelques conseils ou simplifier une idée un peu périlleuse.
Tas de rats est une courte comptine criblée de difficultés. Mémoriser les paroles d’abord sans se tromper, enchainer le plus vite possible sans bégayer. Les chanteuses tentent une mise en espace qui fonctionne plutôt bien mais à chaque fois elles butent sur les paroles : déferlement de rires, tentatives pour reprendre son sérieux, concentration et recommencement. Les idées fusent, la petite mise en scène prend forme. À aucun moment on ne sent une quelconque retenue corporelle ou vocale ; les chanteuses sont dans l’exploration des possibles, repoussent leurs limites, essaient de vaincre patiemment les difficultés.
Un peu plus tard, c’est l’instant de la restitution. Chaque groupe présente ses propositions, s’ensuit un dialogue entre des chanteuses, critique et constructif. Marie Sophie Denis Richard commente et procède par élimination pointant les éléments à abandonner tout de suite, pour ne pas perdre de temps et s’égarer dans les difficultés. Elle sait qu’elle ne va pas immédiatement orienter toute la recherche en cours. Elle va laisser murir les choses jusqu’au prochain atelier. Elle prodigue quelques conseils, insiste sur les contenus à garder pour que la recherche se poursuive. Tout ceci se déroule dans une incroyable bonne humeur, on ne se prend pas au sérieux et cependant on travaille avec constance.
Vient l’heure tardive de la fin de séance qui se clôt en chanson, on referme une parenthèse heureuse où chaque femme a investi un espace de liberté et d’humanité. Elles ont toutes gardé le rire des petites filles et l’insouciance joyeuse des moments de jeu. Les conversations se poursuivent longtemps dans la cour.
Séance d’enregistrement
Quatorze mamans et un papa arrivent à la Luciole. L’atelier n’est pas tout à fait comme les autres cet après midi là car Marie Sophie Denis Richard enregistre une partie du répertoire du groupe. Les participants s’installent tranquillement, la musicienne veillant au confort de chacun. Un grand cercle se constitue, certains enfants restent blottis contre leur mère, d’autres s’éparpillent pour explorer des instruments. Pendant toute la séance, chaque famille va veiller à la qualité de l’environnement sonore. Les enfants peuvent bouger mais sans nuire à l’enregistrement, un climat très paisible s’installe. Par la fenêtre ouverte est la chanson qui ouvre la séance. Instantanément le groupe chante, sans hésitation ni réticence ; la pratique est bien installée, chaque personne a trouvé son mode d’expression. Aucune trace de timidité ou de réserve, les moins « sûres d’elles » écoutent leurs voisines pour conforter leur production personnelle. Cet atelier est un bel exemple de pratique collective pour des personnes qui n’auraient jamais osé se lancer individuellement dans une réappropriation de répertoire.
Marie Sophie Denis Richard propose d’abord de revoir certains chants, s’ensuit une demi-heure de chant collectif pour conforter le répertoire. Lorsque les chants sont par la suite enregistrés, on ne peut noter aucune modification dans le comportement de chacun. Les mamans sont bien plus attentives à ce que font les enfants qu’aux micros. Personne n’hésite à prendre des instruments, le seul papa présent témoignant d’un plaisir manifeste à l’utilisation des percussions.
Une heure plus tard rendez-vous est pris pour une autre séance qui complètera l’enregistrement du jour. Les familles auront un peu plus tard chacune un CD. Pour l’heure on s’attarde dans la salle, on discute pendant que des mamans donnent biberons et goûters. On ne parle plus musique mais des difficultés de la vie quotidienne. Certaines mamans partent chercher leurs enfants à l’école maternelle juste en face, d’autres retournent dans les appartements de la cité. On repart comme on était venu, vers le monde extérieur. ν H.K.
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