Chanson d’automne

Le conteur tourne la manivelle d’un petit limonaire, mots de Verlaine et marionnettes animalières pour égrainer trois contes à la lueur de la lanterne. La compagnie Les Demains qui Chantent reprend trois contes en poésie. 

« Il existe des pièces de répertoire, il faut aussi sortir de la productivité à tout prix », annonce Vincent Vergone pour expliquer en partie la reprise de son spectacle Chanson d’automne adressé aux enfants de la naissance à 5 ans. Créé en 1999 le spectacle a beaucoup tourné, avec son créateur. Aujourd’hui, son choix est de le reprendre et le transmettre à une autre interprète. C’est aussi parce qu’il est en pleine réflexion sur la création d’un spectacle complexe sur l’effondrement auquel il pense depuis six ans, que l’artiste plasticien, metteur en scène et auteur, a décidé de se replonger sur le plateau dans la matière artistique avec laquelle il avait créé Chanson d’automne : les lanternes magiques, la poésie.

VERLAINE POUR LES BÉBÉS ?

Au début des années 90 émerge une réflexion des artistes autour de ce public des tout-petits et du contenu à leur proposer. Le choix de Vincent Vergone est radical et choque à l’époque : il articule en effet son projet autour de trois poèmes de Paul Verlaine, Chanson d’automne, L’Heure du berger et Soleil couchant. Verlaine pour les bébés ? 

Il imagine trois contes, qui ont pour personnages un oiseau, un hérisson et un écureuil, petites marionnettes d’ombres qu’il manipule et qui apparaissent dans le faisceau lumineux d’une lanterne magique. Une calebasse remplie de terreau, d’épices et de feuilles mortes fait office de castelet. La musique émane d’un limonaire qu’il a bricolé avec des cartons perforés, augmenté d’un pavillon de phonographe en forme de fleur. Comme une incitation au rêve, la magie de la lanterne permet de faire d’une pomme de pin un sapin, des ombres projetées de roseaux des paysages…

Les personnages se retrouvent d’un conte à l’autre, petites marionnettes que le narrateur manipule à vue : « nous jouons sur le double plan de l’objet et de son ombre, du narrateur et de sa rêverie. » Tout est déjà là, dans ce spectacle, des préoccupations artistiques et politiques de Vincent Vergone : comment l’art peut-il réinterroger la relation des humains à l’émotion, comment retrouver le lien entre culture et nature. 

LA DIMENSION DU RÊVE

Le spectacle est fragile, un rien peut troubler ce moment suspendu mais Vincent Vergone se réjouit lorsque les enfants, assis autour de lui sous une tente de jute et de bambous, viennent spontanément le voir à la fin du spectacle ; la preuve peut-être qu’il est parvenu à toucher ce qu’il appelle « la profondeur de l’âme ». 

La culture sert à prendre soin, à recréer du lien entre soi et le monde. Le spectacle vivant, au même titre qu’un jardin, peut devenir cette mère/père nourricière qui reconnecte les plus petits mais aussi leurs parents, à la dimension du rêve et de l’émotion et donc au temps présent, de plus en plus nécessaire pour affronter l’avenir… C’est l’objet de la recherche actuelle de Vincent Vergone : ne pas laisser les enfants dans un non-dit face à cette civilisation qui s’effondre… Comment trouver les mots, les gestes justes pour conserver l’espoir… « Le monde de demain est à recréer dès aujourd’hui », confie l’artiste.

• Dominique Boutel