Le Totem, Avignon

Deux festivals, une programmation à l’année et des projets au long cours… Le programme du Totem est riche de propositions. Toujours guidé par un rapport sensible au monde, un lieu animé par une équipe qui s’implique sans réserve.

L’association d’Éveil Artistique des jeunes publics, liée à la Fédération Léo Lagrange, a été créée en 1983. Le projet de cette époque fondatrice était de faire rayonner un lieu dédié au jeune public au sein du festival Off d’Avignon. Devenue La Maison du théâtre pour enfants, la structure a développé les projets avec une activité permanente. Aujourd’hui, le lieu rebaptisé Le Totem – scène conventionnée Art, Enfance, Jeunesse – est non seulement un rendez-vous incontournable du festival Off mais une structure qui propose une programmation et des espaces de créativité toute l’année. « Notre projet est de faire advenir des propositions qui trouvent place dans la vie quotidienne des enfants et des jeunes, de la crèche au lycée » précise Mathieu Castelli. À la tête depuis 2022 d’une équipe renouvelée de cinq permanents, le directeur du Totem précise sa volonté de travailler avec des publics variés, pendant le festival et tout au long de la saison. « C’est un travail de longue haleine. Créer une nouvelle visibilité du Totem hors festival demande de tisser des partenariats au long cours et de se positionner comme partenaire culturel du territoire car notre vocation est départementale. Nous sommes face à des enjeux forts. Notre souhait est de mutualiser les projets d’éducation et culturelle ». Au cœur de sa réflexion, Mathieu Castelli désigne l’adresse à l’adolescence, cette force poétique et politique nouvelle qui a soif de propositions culturelles exigeantes. La qualité des écritures contemporaines fait partie des priorités défendues par le jeune directeur.

POSER UN REGARD DIFFÉRENT

Des partenariats avec deux collèges et un lycée sont d’ores et déjà en place, le Totem ayant pour ambition de devenir référent culturel avec les classes théâtre. Mathieu Castelli inscrit cette réflexion dans un chemin plus vaste qui part de la petite enfance et des familles. « Le très jeune public exige une expertise particulière. Nous mesurons les difficultés des habitants. Le fort niveau de pauvreté à Avignon est hélas un élément incontournable de notre réflexion. C’est pourquoi nous envisageons nos actions en direction du très jeune enfant dans son contexte familial. En dehors de toute logique de consommation, nous imaginons par exemple des parcours familles en nous appuyant sur des structures de parentalité, comme les centres sociaux. Leur expérience vient conforter notre désir d’ancrage dans le territoire. Si nous voulons faciliter une autonomie de la famille pour venir au spectacle, à nous d’imaginer de nouvelles propositions et de nous glisser dans son quotidien. Les ateliers réalisés dans les centres sociaux représentent le premier pas pour créer des habitudes de spectateur. Nous remplissons là notre mission de service public ». Ce recentrage générateur de partage se décline en ateliers au sein des quartiers prioritaires pour les enfants accompagnés de leurs parents. Spectacles et ateliers (objet et musique, parcours danse et théâtre d’ombre ou magie nouvelle) sont autant d’occasions de rencontrer les compagnies. Les actions sont pensées sur des temporalités en cohérence avec les habitudes des usagers.

LE SOUTIEN À LA CRÉATION

« Les artistes qui s’adressent à l’enfance savent être en résonance avec notre société. » Ces mots inscrits dans la description du projet du Totem décrivent l’importance accordée à la portée symbolique, philosophique et politique du geste artistique. Le soutien à la création est l’un des grands axes développés par sa jeune et dynamique équipe. La programmation au sein du festival Off offre une large visibilité au spectacle vivant. Le festival Festo Pitcho se déroule quant à lui dans une douzaine de communes du Grand Avignon et du Vaucluse. Organisé et coordonné par le Totem, il sollicite les collectivités territoriales, les structures culturelles et éducatives. Le public est invité à découvrir les artistes dans des salles des fêtes, médiathèques, scènes nationales et théâtres. « Il n’y a pas d’âge maximum car les spectacles nous cueillent chacun, chacune, petits et plus grands à des endroits différents ».

Pour renforcer de nouvelles habitudes et de nouvelles pratiques culturelles, le soutien à la création et la rencontre avec les publics sont des éléments essentiels. Le Totem conçoit donc des accueils en résidence qui favorisent d’autres formes d’approches. Des ateliers et des stages nourrissent les temps de résidences qui permettent non seulement de découvrir un projet en cours (on en compte 4 à 6 cette saison) mais aussi d’entrer en relation différemment avec les artistes. Bientôt la compagnie OKKIO sera en résidence dans un centre social pour la conception de La Voix de l’eau, plongée sonore et aquatique (dès 6 mois). Cette invitation à la rêverie pour voix et basse électrique, sera créée en décembre 2024 au Totem qui en est également le coproducteur.

Dans tout ce qu’elle mène, l’équipe du Totem conçoit son activité avec l’exigence d’un professionnalisme permanent et le souci d’un environnement de qualité à préserver « dans le contexte d’une crise écologique majeure. Passer du temps ensemble pour mieux se connaître est un engagement réel. Tout cela est très politique » souligne Mathieu Castelli qui ne sous-estime nullement que « l’implication en direction du jeune public nécessite de construire des rapports sensibles au monde qui nous entoure ». 

•HK