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©Très Tôt Théâtre

La petite enfance c’est sérieux !

Rencontre avec Bernard Le Noac’h

Pétri de décennies d’expérience, le directeur de Très Tôt Théâtre a toujours eu pour ambition d’imaginer avec son équipe des propositions de qualité pour la population du Finistère. Un rassembleur engagé qui a entraîné dans l’aventure habitants, bénévoles, artistes, professionnels, élus… Le verbe fédérer se conjugue à tous les temps !

 

« Une programmation n’est que le résultat d’un projet » lance Bernard Le Noac’h. Le ton est donné, avec conviction, franchise et jovialité, trois traits de caractère qui pourraient définir le directeur de Très Tôt Théâtre à Quimper. À la veille de confier les rênes de l’association qu’il a créée avec Jean Claude Pareja en 2000, Bernard Le Noac’h pose un regard lucide mais enthousiaste sur les propositions culturelles offertes aux habitants, « avec toujours cet objectif d’imaginer des propositions de qualité pour la population ».

Territoires d’éveil : Très Tôt Théâtre est aujourd’hui une Scène conventionnée d’intérêt national, art, enfance, jeunesse. C’est un gage de la réussite du projet…

Bernard Le Noac’h : La tendance actuelle est de se replier sur des structures labellisées. Il n’est pas utile d’avoir un label pour tout. Très Tôt Théâtre est un endroit de recherche, d’expérimentation, de prise en considération. J’en suis le directeur mais je ne programme pas, je suis garant du projet. La programmation a été confiée à Amélie du Peyrat, directrice artistique qui va bientôt me remplacer. L’entrée en matière est avant tout humaine, avec des propositions de qualité car les enfants ont droit à autant d’attention que dans le cadre d’une programmation « pour adultes ». C’est pour cette raison que nous avons établi un tarif unique, enfant/adulte. Il est nécessaire de veiller au taux de fréquentation, de se poser la question du coût fauteuil, (parler d’économie ce n’est pas tabou), mais la diversité des publics est tout aussi importante.

TE : On constate un engouement très important pour le jeune et le très public. Nombre de lieux culturels élaborent des offres pour la petite enfance. Est-ce un phénomène de mode ?

Bernard Le Noac’h : Avec La Belle Saison en 2014, le secteur jeune public a franchi une très belle étape. J’ai aussi pu observer le développement des projets en direction du jeune et du très jeune public lors des 7 ans passés à la co-présidence de Scènes d’enfance ASSITEJ-France. Le spectacle vivant est l’une des composantes de l’offre culturelle mais on ne doit pas oublier l’art contemporain ou les arts visuels… Il est vital de dépasser les frontières de sa structure pour envisager un maillage de proximité ; les gens sont toujours fiers d’avoir une proposition sur leur commune et cela correspond aux quatre critères de notre projet d’accès à la culture. Tout d’abord le critère financier, inévitable mais gérable. Puis ce que j’appelle le critère « médical, » c’est-à-dire la difficulté d’accès physique ou psychique. Ensuite le critère culturel : est-ce que cette proposition est pour moi ? Et enfin, le critère géographique : l’éloignement peut constituer un frein dans mon envie d’aller au spectacle. La médiation permet de limiter les freins.

 

 

©Très Tôt Théâtre

 

 

TE : Comment répondre à ces critères ?

Bernard Le Noac’h : Par la force d’un projet ! Travailler ensemble et se demander quelle aventure on a envie de vivre pour que chacun des partenaires y trouve son intérêt ! Cette notion est bien plus forte que la hiérarchie. Développer des relais est indispensable : prendre le temps de tisser des liens avec des partenariats au long cours, aller dans les villages, parler avec les élus. J’estime à 15 ou 20% du temps de travail les rencontres et la confiance qui vont nourrir l’engagement dans le projet. Ces temps si essentiels ne sont presque jamais intégrés dans les fiches de poste… Le territoire doit être dimensionné au projet car c’est bien sur le terrain que les idées progressent. Les relations nouées avec les élus ou les techniciens portent leurs fruits, chacun étant satisfait de trouver une vraie place dans l’ensemble du projet. Sur la ville de Quimper, à Très Tôt Théâtre, nous sommes organisateurs et sur le département nous sommes fondamentalement des facilitateurs. Il ne faut pas oublier que dans une petite commune, une représentation est un événement où toutes les générations se retrouvent ! Le spectacle familial est parfois la seule occasion de partager un temps ensemble. C’est pour cette raison que nous précisons : « ouvert à tous, à partir de tel âge ». Un spectacle jeune public est pour nous un spectacle tout public.

TE : En 2009 vous avez créé Les Semaines de la Petite Enfance. Pourquoi avoir élargi le projet de Très Tôt Théâtre aux tout-petits ?

Bernard Le Noac’h : C’était trop sérieux pour ne pas s’en occuper ! Et c’est la première clé du spectacle vivant ! Les adultes découvrent leur enfant spectateur… La CAF du sud Finistère était à l’époque demandeuse d’un temps fort, pas d’un festival. Aujourd’hui, après 16 éditions des Semaines de la Petite Enfance, la CAF Finistère est toujours partenaire.  Un projet dédié aux tout-petits a été aussi l’occasion de pouvoir impliquer les professionnels de la petite enfance. En fait, nous avons observé l’intérêt des rencontres entre deux mondes : celui des artistes et celui des professionnels des lieux d’accueil. La petite enfance est un temps important, celui de l’émotion mais aussi des regards partagés, dans des temps vécus ensemble. Nous n’avons pas établi de hiérarchie entre les ateliers, les rencontres, les spectacles, les stages découverte… Ainsi, une rencontre professionnelle peut déclencher d’autres projets sur le territoire…  Nous avons, chaque année, tenté d’évoluer, de nous adapter au contexte, à la population, aux jeunes compagnies. Nous avons expérimenté sans cesse une aventure collective autour d’un projet artistique et culturel en identifiant les besoins ; c’est pourquoi, pour exemple, nous avons désormais un parc départemental de matériel, des techniciens qui connaissent les lieux.

TE : Vous avez fait le choix d’un nombre restreint de compagnies programmées, 6 en 2024 pour 142 représentations et 200 ateliers…

Bernard Le Noac’h : Une compagnie programmée lors des Semaines de la Petite Enfance va sillonner le département, prendre le temps de rencontrer les habitants et les professionnels des lieux d’accueil pendant un mois plutôt que de sillonner la France dans tous les sens. « Le dimanche artistique des tout-petits » qui ouvre l’événement au Pôle Max-Jacob de Quimper, invitait gratuitement les familles à y participer. Des ateliers, des rencontres avec les artistes ont suscité des moments de découvertes. Une manière pour nous d’amener les acteurs sur du sens et du plaisir partagés et pas seulement sur une prestation isolée.

 

À l’ombre d’un nuage / Cie en attendant © Sebastien Bozon

 

TE : Pour continuer sur les chiffres, il faut noter que 40 communes se sont impliquées dans cette 16e édition. 

Bernard Le Noac’h : Très Tôt Théâtre c’est aussi 80 bénévoles car aujourd’hui nous avons besoin de tout le monde ! Ce n’est pas pour lister des chiffres mais bien pour souligner que nous mettons aussi de l’énergie dans la fidélité et dans la durée. Nous tentons de développer une réelle économie d’échelle (pour les frais de transport par exemple). Très Tôt Théâtre assure un service technique qui garantit un régisseur pour tous les spectacles. Nous assurons également l’accompagnement de la communication. La CAF assure la coordination globale. L’ACEPP 29 coordonne maintenant les ateliers et les stages découverte. Nous recevons également le soutien du Conseil département du Finistère. Dès la fin d’une édition, nous réfléchissons à l’organisation et à la programmation de la suivante, avec dans beaucoup d’intercommunalités un groupe culture et petite enfance. Nous fédérons beaucoup d’acteurs… De nouveaux partenaires vont sans doute nous rejoindre. Je pense au réseau de lecture publique, le lien avec la Bibliothèque départementale de prêt se développe. Nous avons également un projet commun avec la nouvelle directrice de l’association Lillico qui œuvre pour le jeune public à Rennes…

TE : Le secteur reste fragile voire menacé. Peut-on rester optimiste pour la pérennité des projets en direction de la petite enfance ?

Bernard Le Noac’h : Malgré un contexte difficile et un réalisme nécessaire, il n’est pas de mise de se décourager ! Nous mettons toujours l’accent sur l’aide à la création. J’ai pour ambition de gérer la difficulté plutôt que de la subir, en partageant le projet, en préservant l’outil. Il ne faut pas oublier que Très Tôt Théâtre vient d’une MJC, nous restons fidèles aux valeurs de l’éducation populaire. Si l’on veut que les enfants soient acteurs de leur vie culturelle, on peut se poser la question des moyens à mettre en œuvre, avec des parcours culturels à l’année, pour tous. 100% EAC, donc 100% de moyens en face ! On pourra se réjouir seulement lorsque ce qui est aujourd’hui exceptionnel sera devenu banal…

Propos recueillis par Hélène Kœmpgen

 

Très Tôt Théâtre

Bernard Le Noac’h, directeur
Amélie du Peyrat, directrice artistique
Nolwen Treussier, Coordinatrice du réseau départemental
www.tres-tot-theatre.com

• Festival Théâtre À Tout Âge et ses journées professionnelles

• Semaines de la petite enfance 2024
– 6 spectacles, 6 compagnies
– 142 représentations
– 200 ateliers
  16 stages découverte
– 40 communes partenaires

Territoires d’éveil n°30

Publication : Juin 2024
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