La Maison de la Créativité

Dans un parc, non loin du centre de Genève, une demeure abrite des espaces de découverte, à investir en toute liberté… Une gardienne des rêves !

Ancienne annexe du musée d’ethnographie, la maison Calandrini est un bâtiment classé exceptionnel situé à Conches, aux portes de Genève. Depuis 2015, elle abrite « une invitée peu conventionnelle : la créativité ». Dans cette demeure de conte de fées, l’équipe conduite par Maryjan Maitre envisage la créativité comme un art de vivre, un passeport pour demain, une compétence transversale partagée entre les adultes et les enfants : « c’est en quelque sorte une trousse de survie où se cachent des trésors intemporels dont l’estime de soi, le vivre ensemble, la démocratie, la curiosité. Notre mission c’est l’accès à la culture, pas au petit bricolage » exprime d’emblée Maryjan Maitre. La directrice, ancienne éducatrice de jeunes enfants et responsable pendant cinq ans des projets d’éveil pour 74 institutions petite enfance de la ville de Genève, est pétrie d’une philosophie qui repose sur le partage d’expérience entre adultes et enfants. « Ils sont partenaires, pour être, ensemble, en liberté ».

LA CRÉATIVITÉ PARTAGÉE

L’implication de la ville de Genève est constante  : dès 1996, l’éveil artistique et culturel figure parmi les services proposés aux habitants. En 2014, une fondation de droit privé voit le jour, afin de gérer le lieu dont la mission s’inscrit dans le cadre de sa politique petite enfance ; un contrat de prestation redéfinit régulièrement les missions, les objectifs et les champs d’action. La ville prend en charge le fonctionnement de base, des fonds privés sont réunis pour les projets spécifiques. Depuis 2015 les activités sont conçues pour les enfants de la naissance à 8 ans. Le lieu est ouvert aux familles les mercredis et un samedi par mois, le tarif est de 3 francs suisses (soit moins de 3€). Les deux tiers des crèches de la ville fréquentent la Villa Calandrini en accès libre. Avec une priorité accordée à la petite enfance, les espaces sont en « libre usage ». Les familles viennent sur inscription mais peuvent arriver quand elles le souhaitent. Les collectivités doivent réserver une demi-journée ou une journée.

« Quand on arrive, on respire ». La Maison de la Créativité, blottie dans un parc, invite le visiteur à rêver. « Les parents se posent » commente Maryjan Maitre. « Ce lieu n’est pas seulement un espace pour les enfants. Les adultes retrouvent une créativité parfois altérée, ils sont vraiment en présence. Le plaisir de la créativité partagée est palpable, chacun se débarrasse peu à peu de la peur de faire… L’éveil ne se trouve pas seulement dans les musées ou les spectacles, il se vit au quotidien. Ici chacun apprend de l’autre, l’intergénérationnel est une voie à double sens ».

DANS UNE LIBERTÉ CONSTANTE

Tous les domaines artistiques sont représentés. Un bateau dans le parc, une cuisine d’antan en plein air, la création de mobiles ou encore la construction de cabanes… Tout est prétexte à découverte, altérité constructive, étonnement ludique. « Le matériel est issu du quotidien ou du recyclage, simple et accessible » précise Maryjan Maitre. « La brosse à dent devient brosse à reluire ou pinceau ! La passoire laisse à merveille passer la lumière en faisant de belles ombres sur le mur… Cela ne relève pas de la nostalgie, la sobriété des objets laisse une grande place à l’imaginaire. Que met-on à la disposition des enfants ? Nous avons fait le choix de ne pas présenter de jouets avec une fonction déterminée, en offre fermée, mais de valoriser des objets de jeu. C’est aussi un moyen de lutter contre le désastre écologique que représente une partie de l’industrie du jouet ». 

Des espaces permanents (nature, graphique, atelier) jouxtent des propositions renouvelées tous les six mois, qui incite à la fidélité au lieu pour de nouvelles découvertes. Des « irruptions artistiques » sont confiées à des artistes qui interagissent avec les familles : une danseuse dans les locaux, de la musique contemporaine qui se glisse dans les couloirs ou le jardin… « Avec ces présences de jeux, les enfants trouvent petit à petit leur position de spectateur, dans une liberté constante de réception de l’offre ». 

UNE SOURCE INTARISSABLE

En plus de ses activités pérennes, La Maison de la Créativité lance des défis. La Ville à petits pas, promenades urbaines créatives avec les tout-petits, consistait à inventer des promenades autour des lieux de vie des enfants, pour « redécouvrir sa ville en chantant ». Plus qu’un guide, l’ouvrage qui en rend compte, est une proposition de regard sur l’environnement proche. Toutes les idées sont transposables à d’autres villes… Un prochain défi est en cours de préparation…

La formation s’intègre également dans le projet. Sur demande en fonction des attentes, en session par groupe de dix ou quinze professionnels de l’enfance, sur des thèmes nature, musique, sciences… les propositions ne manquent pas, seulement limitées par les disponibilités de l’équipe.

Une collaboration constante s’est établie avec des spécialistes des neurosciences « parce que l’enfant va où son cerveau le guide ».

Dernière-née l’exposition Une œuvre, Mon doudou et moi car les musées sont des boîtes à mystère où il est primordial de se mettre à hauteur d’enfant. Dans le but de favoriser l’accès des enfants, de leurs familles et des professionnels, 6 lieux de patrimoine genevois se sont associés à La Maison de la Créativité pour cette réflexion active autour des lieux de patrimoine.

On pourrait également parler du dispositif nomade Truck à trucs, de la bibliothèque multilingue, du Café royal (sans vaisselle en plastique), de l’espace Sous les étoiles, lieu de délicatesse, doux et protecteur où l’on peut chuchoter, se cacher ou dormir… Les propositions sont multiples, ouvertes à la créativité qui n’est pas envisagée comme une activité mais une compétence. 

Le lieu est synonyme de liberté, sans aucune notion de compétition ni « objectif de réussite », c’est un simple et permanent retour à l’émerveillement. 

• HK