Le choix et la contrainte

À l’heure où l’offre de formation à distance, par écrans interposés, se multiplie, Enfance et Musique reprend les activités du centre de formation, en présentiel. Adaptation et inventivité.

En ces temps de forte contrainte sanitaire, l’organisation et la tenue des sessions de formation continue sont devenues complexes. De toutes parts se multiplient les propositions de formation à distance. Se pose la question du maintien de stages en présentiel, respectant toutes les mesures sanitaires. Depuis mars, Enfance et Musique avait dû interrompre les activités du centre de formation pendant des mois ; elles ont pu reprendre dès septembre, les stagiaires ont manifesté leur souhait de revenir, malgré les contraintes liées à leur situation personnelle ou les nécessités de leur lieu de travail. Laisser partir une professionnelle de la petite d’enfance de sa structure n’est pas sans poser de problème dans l’organisation des équipes. Pourtant les demandes se multiplient, signes d’une envie de vivre une parenthèse dans un quotidien lourd et d’un souhait de s’inscrire dans une « bulle de partage » et de bénéficier « d’apports extérieurs » comme le soulignent certains participants.

DES SESSIONS ADAPTÉES

Au fil des paroles recueillies lors du stage Rythmes et percussions dans l’éveil musical du tout-petit, le premier tour de table met en lumière l’appréhension vis-à-vis des transports et la difficulté de ne pas avoir travaillé pendant des mois pour certaines stagiaires. Les premières craintes sont dissipées par un protocole sanitaire précis et l’aménagement spécifique des locaux de formation. Le port du masque, les règles de déplacement, la mise en place de parois amovibles en plexiglass… Tous les éléments sont en place pour rassurer les participants et le formateur, et leur permettre de se plonger au cœur de la formation. Émergent alors très vite, le plaisir et l’envie d’être là, « dans un cocon », « une bulle qui restaure une vie sociale » que deux artistes en particulier n’avaient plus depuis des mois. « C’était stressant de venir mais quand je suis arrivée, j’ai tout de suite été rassurée et mon inquiétude a fait place au plaisir de pouvoir me recentrer sur des objectifs artistiques et professionnels ».

Alain Paulo, musicien-formateur fait le même constat : « nous avons d’abord acté collectivement ce qui se vit actuellement et nous avons mesuré la chance d’être là. Chaque situation a pu être présentée afin de préciser les attentes, d’évaluer les manques et de constater que le désir, finalement, était plus fort que la peur. Il est évident que le port du masque complique une situation de transmission, nous avons d’ailleurs travaillé toutes ces questions avec l’ensemble des artistes-formateurs d’Enfance et Musique avant de reprendre les sessions de formation. Il en va de notre capacité d’adaptation des contenus, du respect des règles en veillant par exemple à nettoyer les interrupteurs et les poignées de porte pendant les pauses, à garder une distance de deux mètres cinquante quand nous chantons, à désinfecter constamment les instruments… Le « masque/museau » nous permet d’être un peu à l’aise ! Lors de la reprise, je suis sorti éreinté par la première formation que j’avais encadrée. Depuis j’ai ajusté les déroulés, j’ai aménagé différemment le temps. J’ai par exemple travaillé la question des consignes sans langage, c’est alors le corps qui parle… J’ai pu ainsi me sentir moins fatigué et plus disponible, grâce à de nouvelles techniques de transmission ». 

DE NOUVEAUX RITUELS

« C’est la première fois que je n’accueille pas les stagiaires avec un café ! ». Avec cette modifications des rituels et le changement des paradigmes relationnels, Alain Paulo remarque « qu’il n’y a cependant pas eu de modifications notoires dans l’animation du groupe ». « Des alliances se créent, la communication s’installe ». Cette remarque se confirme au moment du bilan : « Bonne expérience… Belles rencontres… On est devenu un groupe… J’ai eu l’impression d’être en résidence… J’ai pu m’approprier ce qui était proposé… Je me sens plus légitime… ». Les paroles glissent lentement vers les contenus, la confirmation d’avoir retrouvé une belle énergie. « Venir ici a été un choc, une expérience enrichissante et douloureuse » souligne, très émue une artiste qui n’a pas travaillé depuis des mois…

Il fallait prendre ce risque, mesuré et encadré, de rétablir la formation en présentiel avec ce qu’elle apporte d’émotions et de partage collectif. Enfance et Musique poursuit le défi de revenir en formation, en réponse au fort désir des professionnels. 

Et si travailler masqué réveillait en nous la grande tradition de la commedia dell’arte¹ où l’ingéniosité fait partie de la règle imposée…

• HK

(Paroles des stagiaires recueillies par Isabelle Marquis)