Ces huit semaines de confinement, je ne les ai pas vues passer…
Comme tout le monde, j’ai pourtant vécu cette période comme une forme de suspension… Mais suspension de quoi, au fond ? De quel quotidien ?
Étrange période : au fil des jours, en vis-à-vis de douloureuses informations, de peines et de drames, nous sont également revenus de joyeux témoignages de créativité, de prise de hauteur, d’humour, de redécouvertes, de jeux à domicile et d’inventions artistiques multiples*…
Ces huit semaines, je les ai vécues pour ma part, tout particulièrement au service de mon engagement professionnel, de mon équipe, de notre réseau. Jamais, peut-être, je n’ai eu un sentiment aussi intense de devoir le faire non-stop avant tout autre chose. Comme une exigence évidente. Un temps de recentrage opérationnel ! Ces deux mois, nous avons empilé des textes, rédigé des motions, entretenu des contacts, écrit sur le fond, tenu des rencontres à distance, mais aussi inventé du neuf et… partagé des émotions.
Car ce confinement fut aussi le temps de prendre des nouvelles de personnes plus lointaines – sans besoin de prétexte – de répondre aux messages anciens – sans (trop) avoir à s’excuser du retard (!) – … et même de délirer sur quelques utopies – sans se justifier du moment pour le faire. Au contraire, prière d’être visionnaires !
Et, oui, sans jeu de mots, les visio-conférences nous ont malgré tout fait vivre des moments privilégiés d’écoute, de concentration, de proximité. Et, donc, je n’ai pas perdu mes collègues de vue. Non, je ne crois pas que nous nous soyons éloignés les uns et des autres ; nous étions juste éloignés géographiquement. Mais, oui, toute une équipe, toute une assemblée générale en mosaïque conviviale… Avoir tout son monde sur son petit écran… Ce n’est pas évident, mais ce n’est pas si mal… Un autre mode de partage et de lien ? Du moment qu’on va se retrouver pour de vrai…
Curieuse sensation en tous cas : toutes les urgences urgentes s’arrêtent : événements, échéances, quotidien de l’action. Ce qu’il était hier impensable de différer devient d’emblée suspendu voire interdit pour tous ; et donc n’est plus indispensable du tout ! Une forme de trêve…
Sauf que là, la trêve a duré deux mois. Et que la sortie de trêve n’est pas si simple…
Depuis le début du déconfinement, beaucoup de choses sont paradoxalement moins évidentes, plus poreuses et confuses : entre l’accessoire, l’optionnel et l’indispensable, où est la vraie urgence ? Bref, la vie normale reprend son cours et nous nous en réjouissons : mais chacun va-t-il s’attacher à repartir juste comme avant ? Comment garder au cœur l’essentiel ?
Et, en plus, ironie du confinement, le point fixe de toute cette période, c’est qu’il fait un temps radieux depuis bientôt trois mois ! Sauf quand la tempête a soufflé. Un temps tout en paradoxes, si l’on peut dire…
Nous avons beaucoup entendu : « Plus rien ne sera comme avant ». Mais en fait, ce « rien comme avant », est-ce quelque chose que nous pressentions, que nous craignons, que nous espérons ou dont nous nous donnons l’injonction ? Quelque chose a-t-il changé vraiment ? Quelque chose peut-il changer ?
Le plus caractéristique, certes, est de nous voir tous ressortir avec des masques, témoignage frappant de notre fragilité et de notre obligation d’humilité devant ce qui nous dépasse… Hier, nous aurions d’ailleurs trouvé ces masques exclusivement moches, au mieux exotiques, au pire ridicules.
Aujourd’hui, toute honte bue (!), on commence à évoquer une certaine « esthétique du masque », à essayer de se reconnaître malgré tout, à s’exprimer autrement par le haut du visage. Bref, à s’habituer à être, d’une certaine façon, tous pareils ; tous embarqués dans un même étonnant bateau, en tous cas.
Alors, demain peut-il être différent ? Il se doit certainement d’être mieux, mais sans oublier les « avant » positifs, et en repartant du bon pied sur ce qui déjà nous exhaussait : nos valeurs d’humanisme, de cohérence dans la manière de faire les choses… La première pensée fondamentalement écologique n’est-elle pas de faire bien ce que nous avons à faire ? Au service du sens. Et cela, j’ai le privilège de pouvoir le dire parce que j’ai la chance de servir un secteur éminemment porteur de sens : celui de l’art et de la musique.
Oui, c’est certain, nous sommes face à des défis civilisationnels gigantesques, dont la pandémie constitue un signal d’alarme. Qui a paradoxalement le mérite de nous faire tous vivre une commune interrogation sur ce que nous voulons être à l’avenir, dans un monde limité, comme le résume ce titre économique saisissant : « Le monde est clos et le désir infini » (Daniel Cohen).
À un artiste qui me demandait juste avant le confinement si son activité avait bien du sens dans la période, face à tant d’autres défis, j’ai répondu en mon âme et conscience que cela n’en avait sans doute jamais eu autant…
Car mon métier dépend d’abord de vous tous. Il existe par la créativité des uns et l’envie, le désir et le plaisir des autres. Il est éminemment de l’ordre du fait de société. Il a d’autant plus de sens qu’il est tourné vers l’enfance, ce temps où tout se construit.
Alors faisons en sorte d’être toujours davantage dans ce monde en question, pleinement, solidairement, des porteurs de sens… des porte-bonheurs ?
• Vincent Niqueux, Directeur général JM France
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