Dans un bruit assourdissant, un gros hélicoptère bleu et blanc est apparu à quelques mètres à peine du sol, juste au-dessus de la maison. Il s’est mis en mode stationnaire, le temps pour qu’un homme, de là-haut, observe avec des jumelles. Puis il est reparti. Les arbres ont alors recommencé de frémir sous la caresse du vent, les oiseaux de s’appeler joyeusement. La vie, comme si rien ne s’était passé, est revenue. Il m’a fallu davantage de temps, car la stupeur chez moi est plus lente à s’éteindre, mais bientôt j’étais à nouveau là, moi aussi.
Dans la maison, il y a les livres, qui parlent des arbres, des oiseaux. Je peux toujours m’y réfugier lorsque passent les hélicoptères. Les arbres cependant, les oiseaux, dans les livres, ne sont pas vivants. N’est-on pas plus proche en effet de la vie, du réel, du monde vrai lorsqu’on touche, qu’on ressent un arbre que lorsqu’on en parle ? Le mot « eau », c’est bien connu, n’a jamais désaltéré personne.
Ne pas rester confiné dans la maison, sortir et rencontrer le monde, car la vie est dehors, de l’autre côté des murs, sur l’autre face des livres, cette face qu’on ne rencontre jamais lorsqu’on ne fait qu’en tourner et retourner les pages.
Lorsqu’un poète me parle de l’arbre et que sa parole me touche, lorsque je le comprends non seulement avec la tête mais avec l’âme, alors, quand je referme le livre et regarde l’arbre à nouveau, je le vois autrement, je le vois mieux… Je me souviens de certaines expositions, où je n’avais longuement contemplé qu’un seul tableau parfois : je voyais comment un arbre était représenté dans cette œuvre, je le voyais alors par le regard même du peintre, et ce regard avait comme pris la place du mien lorsque, sorti du musée, je contemplais différemment les arbres dans le parc. Je les voyais plus concrètement, plus exactement. La relation avec eux était plus forte. Plus vraie.
Impossible de rester seul face au monde : tous les autres, tous les « autrui » avec qui on parle – mais aussi qu’on lit, dont on contemple les peintures, écoute les musiques… – nous aident, nous permettent même de prendre contact avec lui. Dans le roman de Tournier, Vendredi ou les limbes du Pacifique, lorsqu’il est seul sur son Île, Robinson est dans son monde, très riche, mais aussi d’une dangereuse inconsistance. Il se déconstruit, notamment, à chaque fois que son corps tombe malade. C’est sa rencontre avec Vendredi qui permet à son île d’exister enfin, réellement. Je ne voudrais pas être trop longtemps seul, confiné dans ma forêt. Sans les poètes de ma bibliothèque, je me mettrais bientôt à douter de sa réalité.
• Jean-Louis Harter, musicien
« Écrire, c’est dessiner une porte sur un mur infranchissable, et puis l’ouvrir »
Christian Bobin
Musicien, docteur en musicologie, Jean-Louis Harter s’est très tôt intéressé aux rapports entre le jeu et la pédagogie de la musique. Il forme régulièrement musiciens, pédagogues et éducateurs. Il est également créateur de « Fresques sonores » interactives, installées dans les services pédiatriques de plusieurs hôpitaux parisiens et se produit en tant que musicien (récitals de guitare, théâtre musical).
Publications : Le jeu, essai de déstructuration (Arts Transversalité Éducation, Éd. L’Harmattan), 140 activités et jeux musicaux (Journal de l’animation).
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