Suzon Bosse-Platière est psychopédagogue, formatrice spécialisée dans les métiers de la petite enfance, nous l’avons rencontrée lors de la rédaction de cette revue et lui avons demandé de nous parler du métier d’assistante maternelle.
« Le métier d’assistante maternelle consiste à prendre en charge l’enfant d’un autre à son domicile. Cet enfant est un étranger, quelqu’un qu’il va falloir apprendre à connaître, auquel il va falloir s’adapter. C’est parce que cet enfant n’est pas le sien, qu’il est « autre », qu’il y a profession d’accueillir.
Le cœur du métier d’assistante maternelle, comme des autres professions de la petite enfance, réside dans la dimension relationnelle ; ce qui est premier, ce n’est pas la technique, les savoir-faire, les activités, mais la capacité à entrer en relation avec l’autre, enfant ou parent. Sinon, on risque de transformer l’enfant en objet… C’est une question éthique, philosophique !
Un métier difficile qui nécessite à la fois proximité et recul
Accueillir l’enfant des autres demande beaucoup plus d’attention que de s’occuper de ses propres enfants ; cela suppose de développer des capacités d’observation, d’attention… et une grande disponibilité psychique pour être à l’écoute de ce qu’exprime cet enfant, s’ajuster à lui, et lui apporter les appuis de sécurité affective nécessaires pour qu’il supporte la séparation d’avec sa mère. Ce n’est pas à l’enfant à s’adapter à l’assistante maternelle, c’est à elle à s’adapter à l’enfant.
Ce métier est difficile car en s’occupant de très jeunes enfants, on est au cœur de l’intime, dans le très proche, aussi bien celui de l’assistante maternelle que celui des familles. Cette proximité relationnelle interroge sur soi, sur l’autre, on est remis en question par cet autre, ses demandes, ses réactions. Pour entendre la demande singulière de chaque parent, de chaque enfant, il est nécessaire que l’assistante maternelle soit suffisamment engagée dans la relation ; dans le même temps, il lui faut un certain recul pour analyser la situation, les interactions, et répondre de façon adaptée.
La relation avec les parents est intrinsèquement inégalitaire puisque asymétrique : l’assistante maternelle est payée pour accueillir l’enfant quels que soient ses parents, leur caractère, leurs modes éducatifs, leur origine sociale…
Il est indispensable qu’elles ne portent pas de jugement de valeur sur eux, qu’elles les respectent pour que les enfants puissent construire leur identité et leur personnalité. Respecter les parents ne veut pas dire faire comme eux ; la différence est enrichissante.
Et puis, l’assistante maternelle est seule chez elle, elle n’a pas de collègues ou même de directrice pour partager une difficulté avec un enfant ou un parent, comme en crèche. Il est difficile d’être professionnelle seule !
Les atouts des propositions culturelles et artistiques
La culture c’est la vie !
Les histoires, les chansons, les activités créatives enrichissent l’environnement de l’enfant du côté sensible ; elles diversifient ses possibilités d’exploration du monde.
Les artistes sont souvent particulièrement sensibles à la dimension de la relation à l’autre et donc aux réactions des jeunes enfants. Mais il est nécessaire de le formaliser, de ne pas en rester au seul niveau de la sensibilité car ça se dissout vite.
Tout ce qui peut enrichir la relation est bon à condition que le cap de cette relation soit gardé et que les propositions soient adaptées aux tout-petits. Le risque serait de perdre de vue la relation avec l’enfant au profit de la mise en œuvre d’une technique ; et l’enfant deviendrait objet d’une animation au lieu d’être sujet de son exploration du monde.
Les intervenants culturels qui connaissent bien les tout-petits, et qui ont réfléchi à leur relation avec les assistantes maternelles, peuvent constituer une référence professionnelle pour elles. Eux-mêmes professionnels dans leur domaine, leur intervention doit être également l’occasion d’échanger avec les assistantes maternelles pour être vraiment attentif aux enfants, ne pas être dans le « faire faire » mais nourrir leur désir de découverte. S’ajuster en permanence à l’autre est très difficile, on risque de revenir très vite à l’organisation matérielle ; pour rester ouvert, pour ne pas être dans l’application d’une méthode, d’une technique, on a besoin de se confronter régulièrement au questionnement des autres.
Le risque permanent est d’être dans la consommation d’activités et de déraper vers des comportements mécaniques qui instrumentalisent l’enfant ! » ν
Pour aller plus loin, quelques
publications de Suzon Bosse-Platière :
• Revue Am stram gram sur les vingt ans des Ram
• Les maternités professionnelles. L’accompagnement éducatif des jeunes enfants, Erès, Coll. Travail social aujourd’hui, 1989, 180 p., Epuisé
• Accueillir le jeune enfant : quelle professionnalisation ? Erès, 1995 (1ère éd.), 2005, Coll. Petite enfance et parentalité, 304 p., collectif : S. Bosse-Platière, A. Dethier, C. Fleury, N. Loutre-Du Pasquier
• Accueillir les parents des jeunes enfants, Erès, 2004 (1ère éd.), 2006, Coll. Petite enfance et parentalité, 224 p., en collaboration avec N. Loutre-Du Pasquier
• Les relais assistantes maternelles : améliorer l’accueil individuel des jeunes enfants ?, Erès, 2008, 254 p., en collaboration avec N. Loutre-Du Pasquier
• 1001 Bébés : La mère, le bébé, le travail, n° 52, Erès, 2002 (1ère éd.), 2006, 120 p., Co-auteurs : P. Ben Soussan, B. Descarpentries, M. Fauvel, C. Fleury, Y. Knibielher, N. Loutre-Du Pasquier
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Suzon Bosse-Platière
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