Voyage partagé avec les acteurs culturels d’une communauté de communes du Cantal. Le plan éducatif local est au service des habitants, des familles et de leurs très jeunes enfants.
Dominique Baduel, vice-président de la communauté de communes en charge de la culture, pose un diagnostic lucide : « Le Cantal se dépeuple, notre population est vieillissante, nous devons travailler à l’attractivité du territoire. Une ouverture sur le monde passe par une politique active de la culture et de la jeunesse ». Ancien instituteur devenu conseiller pédagogique en éducation musicale, Dominique Baduel est aujourd’hui un retraité actif qui ne compte pas son temps au service de la collectivité. « Nous avons d’abord établi un constat, étayé par des études de terrain, ce qui nous a permis de travailler les représentations de la culture pour les habitants. L’ouverture culturelle est importante même si nous résidons dans un territoire très rural. Ma préoccupation en tant qu’élu est de favoriser la rencontre des habitants et des lieux culturels. C’est aussi de donner des clés de lecture du territoire, notamment aux jeunes. La culture est l’un des outils prioritaires ».
Le Cantal est un splendide territoire de Haute Auvergne, où les déplacements ne se mesurent pas en kilomètres mais en temps passé, très variable au rythme des saisons. Ode aux lauzes et à la pierre de pays, le Cantal est parsemé de villages et bourgs, regroupés en 19 intercommunalités1. En 1992 se constitue la Communauté de Communes du Pays de Massiac, bourgade de 1793 habitants, à la confluence de trois vallées. Autour de cette porte fleurie du Cantal sont regroupées des communes telles Valjouze (27 âmes), Chazelles (36 résidents)… Ici le terme de ruralité prend tout son sens.
La démarche participative du Projet Éducatif Local (PEL) rassemble les acteurs de terrain et les institutionnels « dans un esprit d’aide à la réflexion et de mise en cohérence des projets » comme le souligne Dominique Baduel. Élaboré en faveur de la jeunesse (de la naissance à 30 ans), le PEL « souhaite permettre aux jeunes d’ici de se situer et de se projeter dans le monde pour y être acteur ». Pour être opérationnel, le PEL a été conçu dans une vision globale mais décliné également par tranches d’âge (0-6 ans, 6-18 ans, 18-30 ans). Ce document-cadre formalise la volonté d’une qualité des services pour renforcer l’attractivité du territoire et permettre aux jeunes de s’inscrire dans une dynamique « d’ambition, d’ouverture et d’espoir ». La politique enfance jeunesse, structurée autour du PEL, a permis l’ouverture en 2012 d’un Relais Petite Enfance (RPE), du Pôle enfance jeunesse en 2013 et l’acquisition de la compétence enseignement musical la même année. L’éveil artistique est alors intégré à l’école >> de musique intercommunale. La mission culture se structure avec la compétence de lecture publique et la création du service culture. Fabienne Coortel, chargée de mission culture met toutes ses compétences (et elles sont nombreuses) au service d’une programmation culturelle itinérante, en lien avec le réseau Scènes en Partage… Un travail dans le domaine du patrimoine fait partie des objectifs à moyen terme. « Développer les services culturels à la population et accompagner les actions pouvant servir les potentiels du territoire font partie de nos priorités » précise Fabienne Coortel. « Il était donc normal d’y intégrer une politique petite enfance qui renforce l’offre et la qualité de l’accueil des familles par les professionnels. Nous souhaitons valoriser la profession d’assistante maternelle et accompagner l’implication des familles. Pour servir ces objectifs, nous avons encouragé la formation d’Émilie Saint Criq, animatrice du RPE et la formation des professionnels de l’enfance. Le croisement des compétences de la musicienne intervenante Gaëlle Toinon et de l’animatrice du Relais Petite Enfance (qui assure elle aussi des ateliers) favorise un ancrage culturel et la continuité du lien avec les familles ».
Dans la même énergie, « les actions proposées par la médiathèque contribuent à enrichir les pratiques culturelles et développent une compétence collective ». Michelle Albanet, directrice de la médiathèque, issue elle-même du terrain, ne perd jamais de vue l’importance du contact : « J’ai commencé à lire aux enfants de maternelle ». En partage et coordination avec Fabienne Coortel, un programme d’animations a vu le jour pour les classes, puis dans les temps périscolaires, ensuite pour les tout-petits. « Nous avons conçu avec le CRI2, un projet de médiation autour du livre, comprenant des temps de formation, des séances lecture, des séances d’analyse des pratiques…» précise Fabienne Coortel. Les années 2014 et 2015 sont jalonnées de rendez-vous lecture à Massiac et dans d’autres bourgades. Des expositions, des spectacles et le salon départemental du livre et de l’illustration jeunesse viennent enrichir le dispositif. « Apprendre à connaître les albums, c’est un gros travail » souligne Michelle Albanet. « Je vois des familles qui s’arrêtent et observent attentivement la vitrine de la médiathèque. Les petits me font coucou en partant à l’école… Je repense souvent à l’idée que je pouvais me faire avant : pourquoi lire à des tout-petits ? Non ça n’écoute pas… Chaque séance aujourd’hui me confirme le contraire…».
« Il faut se donner les moyens d’une vie sur ce territoire pour que les habitants s’y sentent bien. La jeunesse c’est un point de départ car il nous faut aussi changer les mentalités… La méthode ? C’est la formation des esprits ! ». Ainsi s’exprime Jacques Couvret, maire de Saint Poncy (334 habitants), bien actif du haut de ses 89 printemps… « Quand on commence à s’engager, on découvre des besoins de plus en plus larges. Nous avons réussi à enclencher quelque chose, il faut le maintenir » déclare l’ancien président de la Communauté de Communes, sensible à la nécessité de « développer l’offre de logements » pour renouveler une diversité de population. À ses côtés, deux conseillers municipaux, parents de très jeunes enfants : « Ce sont mes deux petites >> filles de 5 et 1 an qui m’ont pour ainsi dire obligé à me préoccuper des questions de petite enfance. Pas évident pour moi au départ…», déclare Stéphane Planche, par ailleurs très soucieux des questions d’offre d’habitat pour de jeunes familles sur le territoire. Sophie Achaoui quant à elle, souligne l’importance « d’éveiller la curiosité » pour les parents, les enfants et les assistantes maternelles.
En octobre 2014, des rencontres départementales « L’art et la petite enfance3 » ont alterné conférences, journées professionnelles et temps parents/enfants. L’heure est au premier bilan, une prise de conscience avec déjà l’envie d’aller plus loin, tant pour les professionnels de l’enfance que pour les chargés de développement culturel des territoires. « Enjeux, question du lien, proximité, médiation, actions au quotidien…» sont autant de termes formulés par l’ensemble des acteurs du territoire. Il est encore trop tôt pour que Sophie Boucheix de Cantal Musique et Danse4 puisse envisager la suite à donner à ces premières rencontres.
Il n’en reste pas moins que le mot « proximité » résonne encore après ces journées passées au contact des familles et des acteurs culturels ; il est impératif de poursuivre un travail de qualité qui s’affiche modeste mais n’en demeure pas moins essentiel.
•HK
1 - 18 communautés de communes et 1 communauté d’agglomération du bassin d’Aurillac.
2 - CRI : Centre Ressources Illettrisme Auvergne
www.cri-auvergne.org
3 - Les rencontres départementales de l’art et de la petite enfance sont le fruit d’une réflexion collective entre les membres de Scènes en partage (réseau départemental du spectacle vivant), la Médiathèque départementale, les structures d’accueil et Relais Petite Enfance, la Mission Accueil Petite Enfance du Conseil général et Cantal Musique et Danse. Elles ont permis la rencontre, l’échange, des pratiques et des questionnements autour du thème de l’éveil culturel et artistique du tout petit.
4 - CANTAL MUSIQUE & DANSE : Agence de développement musical & chorégraphique du Conseil Général du Cantal, www.cantalmusiqueetdanse.fr/
La communauté de communes du pays de Massiac (CCPM) a été créée en 1992. Parmi les compétences optionnelles, la CCPM a choisi d’intégrer la culture et les actions sociales d’intérêt communautaire dans le cadre d’une politique enfance et jeunesse.
• 15 communes
• 4 000 habitants
• 5 écoles en 2014, dont 5 classes de maternelles et 1 classe unique
• 26 assistantes maternelles, dont 18 à Massiac
• 90 enfants de 0 à 3 ans
• 90 enfants de 3 à 6 ans
• Environ 90 enfants scolarisés en maternelle
Au cœur de la commune de Massiac, adultes et tout-petits arrivent emmitouflés au relais petite enfance. C’est un lumineux matin de janvier, propice aux belles découvertes. Chacun pénètre dans le lieu à son rythme ; on se pose, on échange des nouvelles, des petits restent blottis dans les bras, d’autres investissent déjà l’espace. Gaëlle Toinon, musicienne, invite doucement les adultes à se regrouper pour créer un lien qui ne se dénouera pas tout au long de la séance. Avec justesse et musicalité, elle entame « en ouvrant ce matin mes volets… ». Tous les participants sont déjà dans le regard, la finesse du son, l’attention aux petits. En choisissant le thème de la neige qui sera filé tout au long de l’intervention, Gaëlle prolonge la magie du Noël (encore récent) et de la saison. Tout sera prétexte à flocons surprenants (des balles de ping pong joliment reliées à des rubans blancs, des voiles nuages cachés dans les xylophones, des ballons blancs). La qualité d’écoute, la finesse de l’environnement sonore, la grande musicalité des propositions, le choix des chansons concourent à une délicate déclinaison du thème ; on fredonne, on gratte, on touche, on souffle… Adultes et enfants sont installés dans la curiosité, les propositions de la musicienne restent ouvertes pour préserver l’espace de créativité propre à chacun. Bien plus tard (mais le temps est devenu suspendu), Gaëlle entame un dernier chant, Papa Ours, si jolie chanson de Steve Waring. Presque à regret, les participants rejoignent l’espace qui les attend pour un café, pour encore prolonger la poésie du moment, échanger et repartir ensuite dans la fraîcheur vivifiante de ce beau matin d’hiver, splendide en Cantal.
1992 : Création de la Communauté de Communes du Pays de Massiac, première communauté de communes du Cantal.
2006 : Structuration de la mission culture, développement de services autour de 3 lieux : médiathèque, pôle enfance jeunesse, école de musique.
2008 : Compétence lecture publique.
2009-2010 : Diagnostic culture, définition du projet culturel de territoire,
service culture, éveil artistique (musique et danse). Diagnostic enfance jeunesse, service jeunesse et mission d’animation, validation du Projet Educatif Local (PEL).
2012 : Relais Petite Enfance (RPE).
2013 : Ouverture du Pôle enfance jeunesse, compétence enseignement musical.
2013-14 : Échappées Lire, expérimentation.
2014-15 : Échappées Lire, lancement d’animations régulières en autonomie, cycle d’éveil musical pour les tout-petits et les assistantes maternelles.
2015 : Accueil du salon départemental du livre et de l’illustration de jeunesse à Massiac.
Le Relais Petite Enfance est un service gratuit dédié aux enfants de la naissance à 6 ans et aux adultes qui les accompagnent (assistantes maternelles, parents, grands-parents).
Les matinées rencontres : temps d’animation hebdomadaires à Massiac pour les assistantes maternelles et toutes les familles du territoire. Sur une autre commune du territoire, tous les derniers jeudis du mois. Pas d’inscription préalable, accueil entre 9h30 et 11h30.
Emilie Saint-Criq, animatrice du RPE
Gaëlle Toinon, musicienne intervenante
Rubriques
Enfance et Musique
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